Apocalypto (recension de Nelly)

Apocalyptouille....Ce film d'action voyeur et sans espérance, qui se veut philosophique, ne contient pas assez de bonnes scènes. Les mauvaises, en revanche, sont si ratées qu'elles sont un pur instant de bonheur.



Quelle apocalypse ?

Apocalypto (recension de Nelly)
L’apocalypse dont nous entretient Mel Gibson, c’est la fin désastreuse d’une civilisation. La cause d’une apocalypse, c’est la pourriture intérieure d’une civilisation, qui rend cette dernière faible et vulnérable. Tout ceci est très clair dès l’insert du début. Le but du cinéaste est donc manifestement politique, tout comme le message qu’il veut passer à ses compatriotes étasuniens et au reste du monde : si vous continuez comme ça, vous allez dans le mur. Nous allons voir ce qu’est le «comme ça».
Des gentils mayas ruraux vivent en paix et en harmonie avec la nature, chassent dans la bonne humeur et s’échangent des blagues salaces (45 premières minutes). Puis des méchants mayas-nazis les attaquent, les réduisent en servitude et en exécutent un bon paquet (l’heure suivante). Eh oui, c’est Mel Gibson, vous ne croyiez tout de même pas que vous alliez y échapper. Mais l’un d’eux s’enfuit à fond à fond à fond (pendant la dernière heure), sauve ceux qu’il aime (et qui ne sont pas morts). C’est alors que les conquistadores arrivent (on les voyait venir depuis le début). The end.

Une civilisation vaincue parce qu’elle est pourrie de l’intérieur, cela veut dire que tout ce que nous voyons de vaincu dans le film est pourri de l’intérieur, les mayas-ruraux comme les mayas-nazis. Si Mel Gibson est effectivement catho tradi, il n’est pas difficile de comprendre qu’en tant que peuplade païenne, donc sous la coupe du démon, les mayas étaient intrinsèquement pourris, donc faibles. Mais, même si les nouveaux arrivants de la fin ont un air inquiétant, et le plan sur leurs bateaux, des ressemblances avec X-files, Gibson ne conclut pas explicitement. Son message est un message pour notre temps, pas une dissertation historique : les mayas-nazis, qui vivent dans des villes, détruisent leur environnement, ont la lèpre (pour ne pas dire le SIDA ou l’ESB), se prennent pour le doigt de Dieu et raflent les populations voisines pour leurs besoins en sacrifices-spectacles au dieu, en esclaves, etc. Comment ne pas penser au monde occidental, et aux USA en particulier ? C’est bien un des problèmes du film, d’ailleurs, que de proposer trop souvent et trop lourdement des parallèles. Le commando maya-nazi se trouve-t-il devant une chute d’eau ? Tout le monde doit sauter pour poursuivre fuyard. Et George Bush renvoie 20 000 soldats de plus en Irak. Le film est truffé d’allusions bien lourdes.
Tous pourris, donc, et il devient évident, alors, que les conquistadores ne sont pas tant ceux qui vont tout nettoyer qu’une troisième race, pire encore, qui connaîtra elle aussi son apocalypse un jour. La première réaction du héros n’est-elle pas de fuir dans la forêt ? Bref, il y a toujours un plus pourri que vous qui vous mange : le monde selon Mel Gibson n’est pas marrant.

Déraillages 1 : la violence

On pourrait s’attendre, avec toutes ces références, à un film brillant, philosophique. Mais le cinéma de Gibson est aussi blet de l’intérieur que les civilisations qu’il filme. Une excellente maîtrise des techniques du film d’action (une course-poursuite à pied de une heure, il faut le faire !) ne suffit pas pour prévenir des déraillages répétés et spectaculaires.

La violence. Alors ça… si vous trouviez La passion un peu limite, n’allez pas voir Apocalypto. Les dix personnes qui se trouvaient dans la salle ont encaissé stoïquement. Quarante ou cinquante ans, venues voir le nouvel opus du grand défenseur de la Chrétienté… les pauvres ! Après une heure de snuff movie, personne n’est parti.
Je ne dirai pas, comme je m’y attendais, que Gibson est complaisant dans sa représentation de la violence. C’est plus compliqué que ça. Il ne filme pas seulement pour le plaisir comme un vulgaire Eli Roth. Il filme parce qu’il est fasciné. La violence est le produit le plus visible de l’humanité universellement pourrie, elle est le symptôme le plus visible et le plus dérangeant de la maladie. Gibson est du côté de la vie et la mort, dans son étrangeté radicale, le fascine. Il ne se résout donc pas à en parler objectivement, il veut la présenter sous un jour le plus déplaisant possible, c’est la clé du message : Gibson pense que si le public est horrifié par ce qu’il voit, il se convertira. Las ! Ce n’est pas l’horreur qui domine dans Apocalypto mais la lassitude et, parfois, le fou-rire.
La représentation de ce que la violence a de déplaisant est une des choses les plus délicates au cinéma et les plus souvent ratées. Dans la mort comme dans l’amour, on voit tout de suite qui triche. Personne n’aurait l’idée, en voyant la pendaison de Saddam Hussein, de dire «c’est du cinéma». Personne n’aurait l’idée, en voyant Kill Bill, de dire «c’est réaliste». Et Apocalypto, c’est du cinéma, ô combien du cinéma. De la violence esthétisée, facile, cadrée pour un impact maximal. Elle n’a pas cette qualité improvisée, brutale, profondément dérangeante qu’ont les images de la télévision. Ici, le spectateur peut être sûr d’être aux premières loges, de n’en perdre pas une miette… bref, il y a beaucoup trop de mise en scène pour être honnête.
D’autres artistes ont traité de violence extrême de manière beaucoup plus convaincante. John Zorn, par exemple, dans l’imagerie de ses groupes Naked City et Painkiller, a réussi à mettre en couverture de ses disques des scènes d’autopsie, d’exécution ou de faits divers qui font froid dans le dos parce qu’elles sont brut de décoffrage. Avec Gibson, on se demande si les décapitations ne seront pas en multi-angle sur le DVD, ou en 3D, ou si on pourra les voir au ralenti.
Ceci dit, il y a une idée-force dans tous ces films, c’est le Meurtre de l’Innocent ™. Initié dans Bravehart, perfectionné dans La passion, réutilisé ici de NOMBREUSES fois. Rien de tel pour la catharsis qu’un innocent qui subit des outrages, est bafoué, avant de connaître une mort infâme. Le cinéaste a ses figures de style désormais : les réjouissances sadiques de la foule, les cris de joie, les personnages grotesques, toutes choses qui figurent dans les « christs aux outrages » et autres martyres du bas moyen-âge. Souvenez-vous des nains qui mimaient l’éviscération de Bravehart, de ce bébé monstrueux que Satan portait dans ses bras dans La passion. Ici, nous avons quelques spécimens, des prêtresses androgynes, un gamin gros aux yeux porcins, des bouffons, d’autres étrangetés que le cinéaste montre comme dans un rêve, lors de l’arrivée des gentils mayas chez les méchants mayas, une des séquences les plus réussies. La Mort de l’Innocent est une figure puissante, caractéristique de Gibson. C’aurait pu être du grand cinéma.
Hélas ! Le réalisateur pense qu’il faut en rajouter à tout prix et ce n’est pas un mais deux sacrifices rituels auxquels nous assistons à la suite, avec des viscères fumants en gros plan, une musique barbare, un oracle en transe (du jamais vu au cinéma, ça !), le roi des mayas-nazis en haut de la pyramide qui passe apparemment sa journée à regarder des exécutions à la chaîne, des décapitations. Dont une en caméra subjective, il fallait oser. Des têtes qui dévalent les marches – on en a bien cinq ou six. Des corps (sans tête) qui font de même. Et ce n’est que pour l’exécution ! Avant, il y a la tension qui monte, quelques petites têtes empalées en avant goût, tout est fait pour que le spectateur sache à quoi s’attendre, le redoute et se mettre en position de voyeur à la fois. Avant aussi, il y a la razzia sur le village, où la caméra et les micros s’attardent complaisamment sur les hurlements de douleurs des femmes. Chacune dans le village a ses quinze secondes de célébrité médiatique et nos tympans crient grâce. Et après, il y a encore de nombreuses façons de mourir, bien que le réalisateur s’intéresse un peu moins aux douleurs des méchants. Le film est très inventif en matière de mise à mort et vous ne regarderez plus les panthères de la même façon après.

Déraillages 2 : longueurs, clichés, ridicule

Une longueur au début. C’est bien, pour mettre l’ambiance, de faire sursauter les spectateurs au moyen d’un cochon avant la première minute. C’est bien de faire parler les acteurs en yucapopotolpétituhoquetzalolmatèque. Mais au bout de cinq minutes, la diction semble si lente qu’on dirait la bande-son d’une méthode assimil. Et c’est juste à ce moment que les trente minutes de blague de cul mayas commencent. Car si «Patte de Guépard» (alias Ronaldinho) et «Crapaud Fumant» sont des mayas hétéros, avec des enfants et une paire au bon endroit, le doute plane sur «Haleine de Couille» (je n’invente pas !) qui ne peut pas en avoir. Trente minutes, que je vous dit, de gros rire gras sur le sujet. En sortant de La passion du Christ, ça fait un peu curieux.

Les clichés. Le film en est infesté. Du double plan de l’os qui tourbillonne (2001) aux transports d’esclaves (Spartacus), aux colonnes de prisonniers dans la forêt (Aguirre), à la panthère (Alien 4, sans aucun doute), aux courses dans la forêt (le retour du Jedi ?), rien, ou peu, nous est épargné. On aurait aimé se passer de la petite fille, filmée en plongée, qui regarde fixement la caméra et débite une prophétie pendant cinq minutes en levant les bras et en s’efforçant de prendre l’air inquiétant. On aurait vraiment aimé.

Le ridicule. Lorsque Ronaldinho se prend une flèche dans le ventre, il arrive encore à courir plus d’une heure, plus vite qu’une panthère, et à plonger dans des chutes d’eau dans encombre. Et à se défaire de tous ses ennemis. Oui-da.
Les méchants sont vraiment méchants. Mon Dieu, faites que Gibson ne tourne pas « les Bienveillantes » ou un film sur les khmers rouges. Pleasepleaseplease.
Là où le fou-rire s’est déclenché, c’est dans un autre plan où le cerveau d’un des protagonistes fait pchit. Pas une seconde mais quinze, au bas mot. Oh dear.
Et les répliques ! «déployez-vous» est-il dit à un moment. Et «il me faut un acheveur» à un autre.
Pendant ce temps, un orage s’est déclenché, et la femme de Ronaldinho, prisonnière dans son trou, va se noyer avec son gamin. C’est le moment qu’elle choisit pour accoucher, debout sur la pointe des pieds, avec de la flotte jusqu’à la bouche. Génialissime plan sous-marin où elle éjecte en cinq secondes (il n’y a pas d’autre mot) un petit baigneur en plastique relié à une ficelle. Pschit ! On a du m’entendre hurler de rire dans toute la salle.

Rétrospectivement, j’aurais préféré qu’il nous fasse le coup du «puits qui communique avec une grotte par où les eaux s’écoulent». Au point où on en était.

J’oubliais bien entendu les blagues de cul bien grasses du début (est-ce pour cela que les gentils mayas ont mérité que leur civilisation s’effondre, elle aussi). Vous n’ignorerez plus rien de la gâterie que madame faisait à monsieur lorsqu’elle fut interrompue.

Ce qui reste de bon

Il y a tout de même deux ou trois choses à sauver dans Apocalypto. La première, c’est qu’on ne voit pas le temps passer, ce qui est étonnant pour un navet pareil. La technique de Mel Gibson est bluffante ; toutes autres choses mises à part, Apocalypto est un grand film d’action par son sens de l’action justement.
Ensuite, il y a une ou deux séquences réussies : la traversée du fleuve avec les prisonniers, et l’arrivée chez les mayas-nazis. La note est donc un compromis entre le savoir-faire du réalisateur, le ratage de la mise en histoire du scénario, la mise en scène macabre et le ridicule intense du film, proclamé nanar de l’année 2007. Si vous n’aimez pas le second degré, Apocalypto vaut 1/5. Si vous aimez aller voir les mauvais films pour rigoler un bon coup, comptez 2/5 ou 3/5 en fonction de votre ouverture d’esprit.

21/01/2007
z_igou@yahoo.com





1.Posté par Morigane le 30/01/2007 17:27
Violent ?
Même 1492 avec Depardieu est plus violent.
Le film est quelque peu cliché à des moments mais jamais un film n'avait fait preuve d'autant de puissance dans la représentation d'un tribalisme historique.
Je suis désolé mais la Passion était 15 fois plus gord.
C'est pas pour rien que Apocalypto n'est interdit qu'aux moins de 12 ans. Comme Sleepy Hollow , vachement plus sanglant dit en passant.

2.Posté par lolo le 08/03/2007 17:38
Povre nelly! tu parles de scène raté pourquoi?... argumentes un peu , pareil pour les scènes réussies ! pourquoi elles sont réussies selon toi ! c'est ça qui est intéressant ...pas ton blalbla avec les "méchants nazis" et les gentils nindiens!,

les reportages sur les amérindiens montres des gens qui passent leurs temps a rire pour un rien ! je pourrais continuer mais je te laisse une chance de rattraper tes erreurs !renseignes toi vite ...

PS : Apocalypto veut dire : nouveau départ !

3.Posté par Bertrand le 02/09/2007 00:33
De la mesure en toute chose. Voilà peut-être ce qui manque à ce film autant qu'à cette critique. Pendant quelques minutes, j'ai cru me trouver sur le site de TELERAMA... Ce qui me frappe, c'est la balance entre le travail phénoménal que représente évidemment ce film et l'affligeant usage du terme "navet" pour le qualifier. Ca ne vous donne pas le vertige, vous?
Discernez donc les "plutôt pour" des "plutôt contre" le Bien. Mais Ccela suppose sans doute de sortir de votre cyber-boudoir peuplé, j'en conviens volontiers, d'impressionnantes références culturelles.
+IHSSM+

4.Posté par COSMOS le 09/12/2007 16:18
Que l'on aime ou pas le film est une question de "goût" esthétique (comme en philosophie).
Je suis catholique et cinéphile, et j'ai aimé ce film pour deux raisons : d'abord pour ses qualités cinématographiques intrinsèques, ensuite parce qu'il rétablit une vérité historique passée largement sous silence, le catholicisme a mis fin, dans les pays colonisés, aux traditions tribales de sacrifices humains.
Ce film n'est pas plus violent que les films de G. A.Roméro ou Déodato. Quand à son manque de réalisme, je dirais, pour répondre directement à Nelly et sa critique sans argument, que le rôle de l'art (peinture, sculture, littérature, cinéma...) est précisément de nous faire percevoir le réel par l'iréel, voir l'imaginaire. Pourquoi Gibson n'a-t-il pas fait de documentaire sur la civilisation maya préchrétinne? Les caméras devaient être rares à l'époque! A question idiote...
La question fondamentale concernant la civilisation maya étant, et Nelly ne la pose pas, "ce que Gibson montre est-il historiquement vrai?"

5.Posté par karima le 14/04/2009 01:15
film extaordinaire il traite l'actualité mais pas aussi violent que la violence de bush envers l'humanité


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Mardi 24 Octobre 2006 - 00:00 Les fils de l'homme (recension de Nelly)

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