Candice



Candice
« Qu’est ce qu’on va faire du petit pendant le mois de juillet ? », voilà la question qui taraudait mon père. « Le garder tout le mois à la maison ? Non, merci. L’année dernière, il nous a fait les pires misères. Il a failli se noyer dans la piscine municipale en jouant à l’homme de l’Atlantide, il a giflé la petite voisine, il a volé des bonbons au supermarché, et j’en passe. Non, il faut l’occuper, l’éloigner. Justement j’ai un ami avec qui j’entretiens d’excellentes relations d’affaires. Il habite une immense propriété dans le Loir et Cher. Il a un petit garçon qui s’ennuie beaucoup l’été, un garçon très sage, très bien élevé. Il m’a proposé d’accueillir notre Nicolas au mois de juillet. Lui-même sera absent. Mais il y aura sa femme qui adore les enfants, son fils bien sûr, et peut-être sa fille. C’est pas une magnifique nouvelle ? ». Inutile de préciser que personne ne m’a demandé mon avis. On voulait se débarrasser de moi, voilà tout. Vivement que je sois grand que je me disais. Plus de famille, plus de devoirs, pas de femme, ni d’enfant, pas de galères, la liberté partout et toujours… Oui mais, il paraîtrait que quand on est grand on a envie d’embrasser les filles et qu’à la fin on fait des bébés et on fonde une famille, voilà ce que m’a annoncé un jour sans ambages un copain de classe qui avait lu des trucs sur ce sujet dans un dossier de son Pif gadget. C’est quoi ces conneries que je lui ai demandé. J’ai jamais rien ressenti de ce genre. Te laisse pas influencer. Y a pas de fatalité du malheur. Tout ça c’est du pipo. Moi en tout cas je me laisserai pas avoir, je m’acoquinerai jamais avec ces rapporteuses. Tiens le toi pour dit bouffi. Oui mais il paraît que c’est contre notre volonté que ça se passe, c’est comme un coup de poignard dans le dos, on y peut rien, ça se passe à notre insu, j’suis vachement inquiet nico. Il insistait lourdement le bougre. Il allait finir par m’inoculer sa panique. Ecoute bien mes conseils que je lui disais pour me rassurer. On veut te faire croire des trucs qui existent pas. C’est de la pure propagande. Ton Pif, il raconte n’importe quoi. Il ferait mieux de s’occuper de ses gadgets qui sont nuls plutôt que foutre les glandes à tout le monde. Et de toute façon si ça arrive, on saura se serrer les coudes pour pas flancher. Il doit sûrement exister des médicaments, des drogues, contre ce genre de maladie. Et puis t’a jamais entendu parler des exorcismes ? Il paraît que ça marche. Faudra faire quand même vachement gaffe. Dernièrement y a un type qui s’est foutu sous le train, j’ai lu ça dans le journal de mon père. Si ça tombe il était atteint du truc dont tu me parles. P’tain con, v’là que maintenant j’ai les boules. Qu’est ce qu’on va devenir ? L’avenir s’annonçait d’un coup morose. Depuis ce jour l’inquiétude s’est incrustée sur mon visage. Il paraît que j’ai l’air angoissé, et qu’en plus ça attire les femmes. Le cercle du malheur se referme. Je suis foutu.

C’est ainsi que je me suis retrouvé un beau matin chez des inconnus, dans une gigantesque propriété. J’étais bluffé…des centaines d’hectares de terrain, de pommiers en fleurs, des bestioles partout, des chats sauvages, des herbes folles, un lac tout près. Géniale la baraque… je jubilais…J’ai vite déchanté quand j’ai vu la tête du fils. Une mine accablée, le teint grisâtre, des yeux tristes qui mendient votre joie, l’inénarrable raie sur le côté, la chemise à carreau, le petit gilet, la pantalon en velours. J’avais déjà vu des gars de ce genre rodant du côté de l’Eglise de ma ville. Je les avais bien visé une ou deux fois avec mon lance pierre mais ils avaient même pas bougé. S’il est du même acabit ce gars là, je vais sacrément m’emmerder. Parlons de la maman. La première chose qui m’a frappé chez elle, c’est son ample pull marine et la grosse croix qu’elle portait autour du cou. Grande, assez frêle, les mains rêches, les cheveux gris, la mine flétrie, des yeux noirs qui vous condamnent. Elle avait un air pas commode du tout. Elle me considérait avec une sévérité qui me glaçait les membres. Bordel où je suis tombé ? Mon anxiété virait à l’angoisse. Ces gens là ressemblent pas du tout à leur baraque, c’est affreux.

Cette femme, j’allais le découvrir par la suite, était capable de toutes les métamorphoses, et des plus terrifiantes.
Bordel où je suis tombé ? Cette question, chargée de pressentiments funestes, ne me lâchait plus.



Episode 2

« - Cette chambre vous convient-elle ?
- Et comment ! On s’y sent comme chez soi, l’atmosphère sans doute, le dépouillement, la fraîcheur, ce quelque chose qui vous charme d’emblée. C’est vraiment chaleureux. Vraiment, je ne sais comment vous remercier madame.
Quel pipoteur je fais. J’ai bien appris ma leçon. Et puis elle qui gobe tout. On peut pas imaginer une chambre plus déprimante. Un lit de vieux, des murs blancs, une chaise-paille, une armoire, une croix au mur. C’est d’un sinistre. Et puis qu’est ce ça résonne ! un pet de travers et c’est l’alerte générale dans la baraque. J’aurais dû emporter mes posters pour égayer un peu cette prison. Ces vacances je les sens de plus en plus mal. Vache, j’ai vraiment hâte d’être grand. Peut-être bien que j’aurais à me colletiner une donzelle, et encore ça reste à prouver, mais c’en sera bel et bien fini de ces bagnes estivaux.
- On déjeune dans une heure, mon petit. Vous avez le temps de ranger vos affaires et même de faire la connaissance de notre Ferdinand. Sa chambre est au fond du couloir à droite. Ma fille adorée, Candice, est encore chez sa grand-mère dans les Hautes-Pyrénées. Elle revient bientôt. Je pense qu’en fin de semaine, elle sera parmi nous.
Qu’elle y reste dans ses montagnes votre Candice. Je veux pas la connaître. Je vois déjà la fille, du genre à collectionner les cahiers de vacances. Je pourrais au moins lui refiler ceux que ma mère a eu la sotte idée de glisser dans mon sac. Ca fera un beau cadeau.
- Candice, ce prénom connote la douceur et la tendresse. C’est un prénom qui attire. Vraiment madame, je suis impatient de faire sa connaissance.
Bouhhhh, qu’est-ce que je raconte. J’en fais beaucoup trop. Elle va finir par renifler le type qui se fout d’elle. J’ai envie de me marrer bordel. Attention, contiens-toi. Et puis elle qui dit plus rien. L’énorme connerie que je viens de sortir la rend toute méditative.. ce silence… je vais éclater de rire… Je suis grillé… Vite un échappatoire… ouf elle me parle à nouveau.
- Si vous saviez combien elle est merveilleuse. Elle est ma lumière…. je vous laisse mon petit. Vous êtes charmant.
- Merci madame.
Elle sort. Eh bien, je m’en suis bien sorti. Encore un peu j’éclatais. Ma lumière, ma lumière, ben voyons. Mon étoile aussi, et pourquoi pas mon soleil. En tout cas lumière ou pas, qu’elle s’avise pas de me coller dans les basques cette Candice. J’en ai maté plus d’une, et des coriaces.
…………………….
Quatre jours déjà que je me morfonds. Je meurs d’ennui. L’atmosphère dans cette baraque est irrespirable. Et la pluie qui n’arrête pas de tomber. J’ai pas eu une fois l’opportunité d’aller faire un tour au lac. Je suis au plus mal. Pas de télé, pas d’animations, pas de joyeusetés, des heures, des jours qui se noient dans le rien. Il y a aussi cette chambre où je cauchemarde, ces repas frugaux qui me consument, ce Ferdinand aussi qui dit pas un mot. Je ne supporte plus son air craintif et benêt, ses yeux interrogateurs qu’il pose à tout moment sur vous, les balbutiements ridicules dont il nous gratifie à chaque fois qu’il sort de son mutisme. Je vais finir par le claquer. Au début je croyais avoir affaire à un triso. Mais non, c’est juste un terrorisé de la vie. Ah s’il se noie dans le lac ce cornichon, c’est pas moi qui irait le repêcher. L’ambiance pendant les repas est indescriptible. Personne ne parle, la mère et le fils sont absorbées dans leurs pensées, à coup sûr sinistres, et moi comme un gland je suis là au milieu, pétrifié, la gueule enfarinée, dans l’attente d’un événement miraculeux qui vienne interrompre ce repas de malheur. Ca dure parfois deux heures. Bon sang, quel soulagement quand la mère commence à débarrasser la table ! Plutôt végéter dans ma chambre que de subir une telle épreuve. Mais je dois dire que c’est elle, la mère, qui m’inquiète le plus. Elle a un air absent qui tranche avec l’image que j’avais d’elle au départ. Ce n’est plus la même personne. Mais il y a aussi des gestes d’irritation et d’impatience, des contractions, des tensions soudaines qui contrastent avec son impassibilité apparente. On dirait que la fureur couve en elle. Hier, elle est restée assise toute la journée devant la baie vitrée du salon, fixant un point de l’horizon.
Je suis inquiet …..

Episode 3

Ah la belle journée qui s’annonce ! Oh le beau mois de juillet ! Tu sais quoi ? Puisque je suis de bonne humeur je t’échange mon mois de vacances contre six mois d’école. Allez l’année scolaire, mais c’est bien parce que t’es mon ami. Comment ça t’acceptes pas ? Mais approche-toi donc de la fenêtre, admire la propriété, ces allées royales, ces arbres centenaires, ces bosquets. Tu vois, au loin y a même un lac. Que de merveilles ! Te formalise pas sur les trombes d’eau. Ca va pas durer. Le soleil va bien finir par se pointer. Allez, fait pas le difficile ! Dans le lot je te propose aussi Ferdinand le niais. Je t’ai pas parlé de lui ? C’est le type le plus fabuleux que j’ai jamais rencontré. Il a une gueule qui fait pitié ? Et alors ? Rien ne t’empêche de le claquer si ça te chante. Il dira rien, j’en suis sûr. Il est demandeur, t’auras même pas à insister. Quant à la mère, elle dit pas un mot, du matin au soir elle bronche pas. C’est pas une grosse marrante, autant te prévenir tout de suite. L’autre jour elle a versé une larme pendant le repas, comme ça, sans raison, tout à coup, sans crier gare. J’ai bien cru qu’elle allait s’effondrer sur la table. Sur le coup j’ai rien compris. Ceci dit, ça peut divertir. Je te fais confiance pour transformer son show en source d’éclate. Et la cerise sur le gâteau c’est une certaine Candice, la fille de la mère, qui doit arriver incessamment sous peu. Elle a notre âge et c’est paraît-il une lumière, une lumière !! oui t’as bien entendu. Toi aussi ça te fait marrer. Elle est pour toi, cadeau. Tu pourras lui faire des risées. Allez maintenant top là ! Mon séjour de rêve contre une année horrifique à l’école. Quoi, tu refuses ? Tu te fous de moi ? T’es plus que gagnant dans l’histoire. Tu t’obstines à refuser espèce de crapule ? Bon alors tu peux t’en retourner, je veux plus te voir. T’existes pas ? Et alors ? C’est pas une excuse. Allez, disparaît !
Bouhhh… Papa, maman, j’en peux plus. Venez me chercher. Je sais plus quoi faire. Je parle tout seul pour pas craquer. Au secours ! Si vous saviez…J’erre du matin au soir dans cette maison de malheur. Si au moins on m’informait du motif de ma présence ici. On m’a invité il me semble. Un invité, on lui propose des activités, on lui parle, on lui témoigne de la considération. Mais c’est à peine si on me remarque. Ce benêt de Ferdinand, dès qu’il me voit il panique, il déguerpit, il file, à sa manière, bien fuyante, pire qu’une fouine. Je songe sérieusement à lui flanquer une correction. Je pourrais interroger un domestique dîtes-vous. Mais jusqu’à maintenant j’en ai pas vu un seul. Et c’est pas faute de l’avoir visité cette maison. Pas une pièce, pas un recoin, pas une chambre, pas un débarras que je n’ai exploré. C’est la mère qui s’occupe de tout. Oh, il faut bien reconnaître que ces gens-là sont adeptes d’un certain dépouillement. On risque pas de buter contre les meubles. Voyez l’immense salon : un petit divan, une table, trois chaises, une cheminée condamnée, aucune photo, une chaise à bascule près de la baie vitrée, des murs blancs aveuglants, sans tableau, une atmosphère indicible. Le plafond est tellement haut qu’à chaque fois que je pénètre dans cette pièce j’ai l’impression de m’enfoncer dans un gouffre. C’est la seule pièce de la maison, avec la chambre de la mère, où il n’y a pas de crucifix. Eh oui, je m’amuse à faire des rapprochements. C’est que je m’ennuie beaucoup vous savez. Dans la chambre de cette sotte de Candice ( je suis à peu près sûr qu’il s’agit de sa chambre ), j’ai vu aussi une statuette de la Vierge. Quelle ambiance je vous dis ! Qu’est ce qu’on se marre !
Maman, j’ai besoin d’entendre ta voix. Je voudrais tant t’appeler. Mais ici il n’y a pas le téléphone, tu te rends compte ? pas de téléphone…J’ai pourtant tant besoin de ta voix…. Si tu savais… cette dame me fait peur… son allure…ses vêtements tout noirs…son silence…
…………

Je n’arrive pas à dormir…la nuit m’oppresse… quitter cette cellule…sortir…fuir….Je descend…l’obscurité engloutit tout…je ne vois rien…je suis triste… ces lueurs de la lune qui traversent le salon…elles m’attirent…c’est elle…c’est la dame…elle est là, assisse sur sa chaise à bascule…elle se balance lentement…son Ferdinand est blotti contre elle…elle caresse ses cheveux: « je t’aime tellement…mon amour…On ne se quittera jamais…jamais, tu entends…Promets le moi.. »


Episode 4

Où qu’il est ton papa Ferdinand ? C’est lui qui m’a invité. J’aimerais lui toucher deux mots. Tu sais qu’il fait du commerce avec mon père. Ah là je dois dire que sur le coup mon père s’est bien fait arnaquer. Ah bravo ! Avec lui aux affaires, on va y rester encore longtemps dans notre 3 pièces sans terrasse. Ma mère avec lui a touché le gros lot, c’est moi qui te le dis. Par contre le tien, vu comment il mène ses combines, il peut continuer à mener la vie de château. C’est sûrement pas mon père qui lui fera de la concurrence. Songe que ton vieux a réussi l’incroyable tour de force de m’attirer dans ce guêpier tout en faisant accroire à mes parents qu’il leur rendait un service inestimable. Bien joué. Alors où qu’il est donc ton papa Ferdinand ? Tu sais pas ? Il va, il vient. Il est rarement ici. Tu te payes ma tête ? Et cesse donc de me regarder avec ton regard de chien battu, tu m’agaces. Et ta sœur, c’est bien demain qu’elle arrive ? Ah la peste, oh la bougresse ! Elle m’énerve déjà. Soit elle te ressemble et c’est une débile, soit elle indemne et on a affaire à une excitée ou une fayote. Peut-être bien aussi qu’elle a hérité de ta mère, et alors c’est en plus une pauvre pleurnicheuse. Quoi qu’il en soit, on est perdant sur tous les tableaux. Mais t’inquiète pas Ferdinand, j’ai pas l’intention de la laisser investir mon espace vital. Je saurai le tenir à distance. Qu’elle empiète sur mon domaine et c’est la paire de claques, promis juré. En attendant si j’allais m’enquérir de cette désertion du père auprès de ta maman chérie. Qu’en dis-tu ?

…Ce matin, je me sens plein d’entrain, rasséréné, fougueux, d’humeur insolente. Cette ambiance cauchemardesque me sied à merveille. Je suis donc prêt à l’affronter cette dame pleine de tristesse. L’absence du père me turlupine. Elle est cause de la désolation qu’exsude cet intérieur, ainsi que les visages et cette nudité des chose qui partout vous oppresse. J’ai fouillé la chambre de la dame. Je n’y ai rien trouvé qui appartienne au père. Pas un objet, pas une cravate, pas un rasoir, pas une chemise, pas un livre. A-t-il emporté aussi la croix ? ….
….
Elle est dans sa cuisine. Elle prépare notre frugal repas. De la soupe, c’est sûr. Quelle misère ! Mais la palme du dégueu revient sans conteste au goûter. Un ignoble verre de lait et une infecte tartine au beurre. Une fois j’ai eu le front de réclamer un peu de Nutella. Mal m’en a pris. Elle s’est raidie d’un coup. Son visage s’est contracté puis elle a dardé sur moi son regard terrible. « Petit capricieux m’a-t-elle lancé… et sensuel avec ça » puis elle s’est mise à éclater de rire, défigurée par une expression d’affreuse ironie. Je n’y comprenais goutte. Tout ça pour du Nutella. J’ai bien cru sur ce coup là qu’elle allait éclater. Cette dame triste est une furie, j’en suis certain. Je ne ma laisserais pas abuser par les scènes lacrymales qu’elle nous joue ni par son air pitoyable. Je veux la découvrir déchaînée et furibonde. La détresse n’est pas le fin mot de l’histoire ici. Il faut envenimer l’atmosphère, tout ébranler, tirer vers la lumière les secrets ténébreux. Je vais la titiller, la provoquer, l’exciter. A nous deux madame. Entamez d’abord la conversation.. cherchez un prétexte… cette croix sur le mur..
- Cette croix est bien belle chère madame. Sa place n’est-elle pas dans le séjour ?
Elle se retourne. Son visage…empreint d’une telle noblesse… et cette tristesse qu’elle exhale…
- Ah oui, la croix, je la laisse pour faire plaisir à ma fille; elle l’aime la croix vous savez. Moi elle me consterne, elle m’a brisée. Oh il m’en a bien parlé, avec art, avec délicatesse, avec ces mots qui attendrissent. J’étais si jeune. On se laisse facilement tromper. Il m’a gâché la vie.
- Qui donc ?
- Mais vous êtes un sacré petit curieux vous. Mon mari me l’avait caché.
Elle s’irrite déjà.. c’est parfait…la pousser à bout…l’acculer à la crise
- Je suis un vaurien sensuel vous le savez bien. Et votre mari d’abord où qu’il est ? J’ai deux ou trois choses à lui dire. C’est moi l’invité, oui ou non ? Je m’ennuie, j’ai faim, et j’en ai ma claque de vos délires larmoyants. J’étouffe, je veux rentrer chez moi.
- Taisez vous gredin ! Ferdinand, Ferdinand…
Vl’à qu’elle appelle le triso
- C’est votre mari que je veux voir. Où qu’il est ? Dites le moi. Allons madame…Où qu’il est votre mari ?
- Mais vous allez la fermer petite vermine, sale individu… Les sensuels, les libertaires, j’en fais mon affaire. Je les mate, je les broie, je les trucide. Eh oui, faites pas l’étonné petit merdeux ! Et bouclez la surtout !
Elle trépigne de rage… son visage se convulse… la tristesse se mue en furie…On y est… elle a les yeux qui se désorbitent… elle tâte le couteau de cuisine, le tournebroche, elle veut m’enfourcher, me balancer dans le vieux four à pain.. je vais y passer.. Mais j’ai à peine fait un pas en arrière que déjà elle se saisit du couteau et le presse des deux mains contre sa poitrine. Qu’est ce qu’elle fait, bordel.. elle veut se crever.. c’est pas possible… son air de démente… elle est prête à tout…elle va se planter bordel de chiotte…au secours…au secours…qu’est-ce que j’ai fait ? qu’est-ce que j’ai dit ? aidez-moi… Hurler…rien ne sort, je suis muet de terreur, écrasé par ses invocations à la mort libératrice…elle veut mourir…
- Je vais me l’enfoncer dans le cœur, calmement, sans brutalité. Tu vois c’est très simple de partir. Tout est fini pour moi. Il m’a détruite. Je n’ai plus d’avenir. Je suis seule, SEULE tu entends ?
- Non madame ne faites pas cela, s’il vous plaît… je retire tout ce que j’ai dit. Et il y a Ferdinand et puis Candice, s’il vous plaît madame.
Son visage ruisselle de larmes. C’est l’acmé de la souffrance… Envie de disparaître, de me dissoudre.. je suis trop petit.. c’est trop…pitié…aidez-moi..
- Ils partiront, ils me quitteront.. Leurs futurs se moqueront bien de savoir que je crève seule dans mon coin…c’est fini pour moi.. Je suis détruite
- Non madame, s’il vous plaît… je vous implore, je vous supplie.. au nom de votre fille bien aimée Candice
Ce mot a comme jaillit de ma bouche. J’ai rien vu venir. Mot magique. Ses traits s’adoucissent. Elle sourit en pleurant.
- Oui madame au nom de votre fille bien aimée Candice….



Episode 5

Quelqu’un me retient ici. C’est elle. J’aurais dû fuir depuis longtemps cette demeure marquée par le malheur. Je suis resté. J’ai essayé de m’expliquer ces séquences horrifiques qui m’ont bien fait trembler. J’ai cherché la joie. Elle rôde, ici et là, autour de cette petite chapelle isolée que j’ai découvert ce matin même, au fond du parc, entourée de vieux chênes, et dont j’ai longuement caressé les pierres patinées par le temps. Il y a aussi cette terrasse qui prolonge la chambre de Candice, sa chambre aux volets clos qui, bientôt illuminée, répandra sa clarté sur cette façade désolée, noircie, qui semble absorber toute lumière. C’est aujourd’hui qu’elle doit arriver. Elle va me changer de ce glandu de Ferdinand qui dit pas un mot. Je l’ai vu ce matin entrer dans la chapelle. Il y est resté un long moment, avant de sortir avec sa tête habituelle, celle du type qui sait pas vivre. Ce sacré zigoto il est pas du genre à jouer aux playmos. Espérons que sa sœur se paye une autre mine, sinon je tiendrais pas le coup. Et si elle est aussi grognasse que ces écolières qui pourrissent ma vie, je me barre illico. Comment qu’elles se couchent sur leur copie pour m’empêcher de copier, j’hallucine à chaque fois. Mais je me venge bien. Y a d’abord ce Nicolas Grenier, à la cantine, qui enfonce des petits pois dans son trou de nez et les propulse avec une précision prodigieuse. C’est qu’il a la narine agile ce petit Grenier. Il vise les fayotes et aussi, parce que c’est un vrai pote, mes ennemies acharnées… Je me demande bien ce qu’elle pense des copieurs cette Candice. J’ai d’ailleurs beaucoup de questions à lui poser. Bon sang, j’y pense, et si elle venait tout à coup à s’amouracher de moi. J’ai même pas songé une fois à cette éventualité. Pitié non ! Plutôt le suicide de la mère que l’amourette de la fille. Malheureusement avec ces écolières on peut s’attendre à tout. C’est arrivé d’ailleurs l’année dernière, une première de la classe qui me reluquait bizarrement. Qu’est ce qu’elle me veut celle-là que je suis demandé. Je vais la voir et elle me raconte, avec force détails, qu’elle se pâme devant mes momeries, que ça la fait rire, qu’elle a soif de joyeusetés, d’autant que ses vieux à la maison passent leur temps à se foutre sur la gueule. Qu’est ce que tu veux que ça me fasse que je lui dis. Y a pas marqué armée du salut sur mon front. Non mais. Je cherche à divertir personne. C’est juste que je suis obligé de passer mes journées à l’école, alors que j’ai rien demandé et qu’il faut bien passer le temps. Du coup je déconne. Et puis l’instit avec sa tête d’ahuri faut bien avouer qu’il a tout mérité. Bon écoute, je crois qu’il vaut mieux en rester là. Disons que c’est un malentendu. Allons, ne fais pas cette tête ! Réfléchis un peu, si je commence à me balader avec toi, je vais avoir l’air de quoi ? T’imagines la tête de mes camarades s’ils me surprennent un jour en ta compagnie ? La honte de ma vie. Ils diront que je suis un traître, une loque, un vendu. Et ils auront bien raison. Non décidément je peux rien faire pour toi. Trouve un autre marrant…Et voilà comment je me suis débarrassé d’un boulet. J’espère que le scénario catastrophe ne se reproduira pas ici. Je gémis rien qu’à y penser…
…….
Le temps est subitement revenu au beau. Voilà le bel été qui pointe son nez, et le dehors pour l’arrivée de Candice se fait resplendissant. Le parc étale sa magnificence. Tout est lumineux et éclatant. Gai comme un pinson, d’humeur fanfaronne, le cœur bondissant, je me sens soulevé par l’amour de la vie. Hier soir encore, je me couchais dans cette chambre pleine d’ombre, l’esprit vide, avec, à la poitrine, le creux de l’angoisse. Mais peu me chaut ces intermittences du cœur. La joie aujourd’hui m’envahit, cette joie pure, qui naît sans artifices ni stimulations extérieures. C’est une fuyante, qu’importe, honorons la. Bientôt elle se débinera, c’est entendu ; il faudra à nouveau l’appeler, guetter ses sublimes insinuations en soi, car on ne saurait vivre longtemps sans elle. Le parfum des haies d’aubépines transporté par le vent léger jusque dans ma chambre, la lumière pure, le bruissement des feuilles, rendent hommage à ma joie intérieure qui ne leur doit rien. Je suis heureux.
… Le bruit d’une voiture…c’est elle…voilà les belles retrouvailles…des voix heureuses, une excitation joyeuse…tout s’anime, tout revit…Je vais descendre, pour la voir…j’ai un peu peur, c’est drôle…je descend…je la découvre de dos…elle est face à sa mère qui rayonne, elle embrasse cet âne de Ferdinand…retourne-toi donc…elle retire une épingle de ses cheveux blonds qui, se dénouant éperdument, roulent au long de son dos sur sa robe…ces cheveux d’un blond d’or clair…je m’approche…sa mère m’aperçoit et me fait un signe…elle se retourne…elle me regarde en souriant, d’un radieux sourire…Candice….

Episode 6

J’ai pincé beaucoup de filles, pour m’amuser ou parce que c’était bien mérité. Candice c’est pas pareil. Elle fait pas fille. Elle ressemble pas aux rapporteuses ni aux affreuses lunettées que j’ai pu rencontrer. Quand c’est l’heure des contrôles à l’école, faut voir comment qu’elles y croient, le sérieux, les mines concentrées qu’elles affichent. Moi dès le départ je suis complètement largué. Je comprends rien aux problèmes, je sais pas quoi écrire, j’essaie de copier à droite et à gauche, on protège sa copie de mes coups d’œil furtifs, personne veut m’aider, c’est du chacun pour soi, t’avais qu’à apprendre tes leçons qu’on me dit. Mais hier encore vous rigoliez bien quand je faisais des tours à l’instit. On veut rien entendre. Notre avenir est en jeu qu’ils disent. L’avenir, ils l’honorent avec une sacré gravité ces affreux. Ils font maintenant planer sur la classe une ambiance démesurément studieuse. C’est la fin des rigolades. Bonjour tristesse.
Un jour je me suis ouvert à un gars qu’est toujours au fond de la classe, un gars bizarre qui parle à personne, pire que moi au niveau des notes, le « mystique » qu’on le surnomme. « T’as d’aide à attendre de personne qu’il m’a dit. Ils sont complètement obnubilés par les préparatifs de leur avenir. Les fait pas marrer pendant les intermèdes et les pauses, ils le méritent pas. Leur avenir, tu t’images pas la gueule qu’il a. Parfois je le vois dans des aperceptions fulgurantes, eh bien c’est la flippe totale. A chaque fois, il me faut trois jours pour m’en remettre. Tu sais, j’ai bien regardé du côté des vieux. J’ai rien vu de bon, ça sent partout le renfermé et la décrépitude. Je te parle pas de ma grand-mère qui devient plutôt une marrante sur la fin. La sénilité lui sied à merveille celle-là. Non je te parle des parents, de ma grande sœur et de son futur mari qu’est un sacré con. Il passe son temps à nous les casser avec sa maison qu’il fait construire, le siège de bébé qu’il a fait installer à l’arrière de sa saphrane, de la déco du séjour, du parquet qu’il veut en bois clair. Qu’est ce que tu veux que ça me foute que j’ai envie de lui hurler. Si tu savais comment je m’en tape. Je te raconte mes histoires de playmos ? Non décidément je marche pas dans cette combine, j’accepte pas les règles du jeu édictées par ces foireux. J’attends que le bon dieu me sorte de ce guêpier, qu’il m’indique le lieu où ça fleure bon. Il a mauvaise presse chez nous, mais je m’en fous. Y a qu’à lui que je fais confiance. Le reste c’est de la blague, de la pisse de vache, de la crotte de chameau. Il me connaît bien, il m’apportera du secours si ça chauffe pour moi, jamais il me laissera emprunter la voie des nazes. C’est écrit. J’ai confiance… ». A chaque fois que le mystique se tape une note nulle, y en a toujours un qui lui lance : « Alors le bon dieu, il fait quoi ? Il dort ? Qu’il se magne à se réveiller car tu cours droit au fiasco », et lui qui susurre: « Mais oui mes cochons, mais oui… parlez…parlez toujours… rira bien qui rira le dernier ».

Candice, je l’ai tout de suite senti, elle est pas du genre à laisser les drôles rater leur contrôle. Elle les aiderait plutôt, elle serait pleine de sollicitudes, elle les laisserait voir sa copie. Candice, c’est l’alliée rêvée des copieurs, j’en suis sûr. Y a des signes qui trompent pas. Le dîner en sa présence fut comme un rêve. Elle a tout préparé. C’était pas tous les jours ribote que je lui ai dit un moment, d’un ton pince sans rire, tandis qu’elle nous concoctait ce délicieux repas. Mais oui mon cher Nicolas m’a-t-elle répondu de sa voix si douce, rassurez-vous, c’est fini maintenant. J’ai consacré à nouveau cette demeure au Seigneur. Je la transformerai pour vous en lieu de féerie où le festin joyeux, le chant et les jeux participeront de l’hymne. Je prendrai bien soin de vous. Je vous inonderai de ma joie. Mes silences même vous seront un dictame. Acceptez-vous de prendre ma main cher Nicolas ? ….
…Candice, la lumière, la magnificence de son visage, ce visage encadré par des cheveux d’un blond d’or clair, l’opale rosée des joues colorant sa pâleur surnaturelle, ses petits seins ronds et fermes, sa voix sublime, ses longues et rondes cuisses… non décidément, quand on la voit, on risque pas de la pincer. A un moment, je me suis senti tout drôle. J’avais envie de lui faire des douces…
…Bordel je deviens neuneu, c’est pas possible… attention… ne pas glisser sur la pente mauvaise des sentimentalités, ne pas se laisser attendrir, se défendre contre les accès de mièvrerie… attention… essaie de te représenter les rapporteuses que tu détestes le plus… ça va passer… cette Candice a forcément des points communs, c’est obligé…méfie toi d’elle…elle cherche à te séduire…elle a des atouts à faire valoir et en plus elle sait y faire…et puis comme c’est un tendron, elle est forcément en recherche… méfie toi…

Episode 7

Le lit de Candice est bien moelleux. On pourrait y réaliser de belles galipettes. Il n’est pas certain qu’elle goûte ce genre de prouesses. Et puis avec sa jupette on verrait tout. On joue, on s’amuse et puis tout à coup, à la faveur d’un poirier, je me retrouve nez à nez avec sa culotte blanche. Ce serait indigne. Quand on sera des intimes je lui montrerai les figures où j’excelle. C’est dans la culbute que je suis le meilleur. Le culbuteur qu’on m’appelle à l’école. Candice, je vais vous initier à la cabriole, on va bien s‘amuser. Mais pour le moment je reste assis comme un glandu sur ce lit. Je bouge pas, c’est à peine si j’ose la regarder. L’heure de la culbute n’a pas sonné, voilà tout. Il faudrait quand même que je lui cause, dix minutes qu’on se tient l’un en face de l’autre sans rien se dire. Cette Candice fait un peu trop dans le solennel à mon goût, comme si la faunesse arrivait pas à prendre le pas sur la coincée. Et si je puisais dans ma besace une histoire bien dégueu histoire de la dérider ? Je suis sûr qu’elle demande que ça de casser son image de petite fille sage. Des saintes nitouche qui deviennent délinquantes, ça s’est déjà vu. Attends un peu ma cocotte, je vais faire de toi une vraie sauvageonne. Laisse-toi aller, je suis sûr que t’es demandeuse. Je supporte déjà plus tes manières doucereuses, ton air propret, va falloir que tu changes de registre si tu veux éviter les embrouilles. Ton style doucette, il passe plus. Une Zora la rousse en fin de compte a bien plus d’attraits que toi. Et pourtant au niveau beauté, elle est même pas potable. Tu mériterais qu’on te fasse payer cher de jouer à la singulière. Tu fais celle qui a un secret, un mystère alors que t’es simplement une emmerdante. C’est pas croyable ce qu’on peut se galérer avec des nunuches dans ton genre…Et elle continue à me regarder tout sourire, pas gênée du tout par ce gros silence entre nous. C’est à se demander si elle a déjà vu un garçon de près. La theon que ça serait si les copains me voyaient avec cette pauvrette. Barre toi donc qu’ils me diraient, lâche l’affaire, y a rien à en tirer. Prends toi plutôt une bonne BD et va au WC. Ils auraient bien raison, comme toujours… J’en peux plus de ce silence, il faut que je dise quelque chose, n’importe quoi, tiens, que j’ai envie de pisser, ou mieux encore de prier. A la chapelle vite, ça urge, j’ai l’âme qui va éclater. Je suis sûr de la scier avec ce gros bobard. Cette nigaude doit chercher un genre de Ken christique, rien que pour elle, Barbie la pucelle…ben voyons…Et elle s’imagine que je vais faire mumuse avec elle. En tout cas je vois pas de jouet dans sa chambre, à part la statuette de la Vierge. Tout ça c’est encore un genre qu’elle se donne. Je suis sûr que son placard est rempli de nazeries pour les filles. Quelle maline…
« - Parlez-moi un peu de vous cher Nicolas. Je vous sens un peu timide, est-ce que je me trompe ?
…que.. mais…elle a parlé…cette voix… euh…je sais pas…
« - Votre gêne me contriste. C’est de ma faute sans doute, je n’ai pas encore trouvé le secret pour vous mettre à l’aise.
…bordel, je rougis. Qu’est ce que je dois avoir l’air con…c’est pas possible… je suis trop nul…ressaisis-toi…pas devant cette pimbêche..
« - Vous n’êtes pas le premier garçon que j’invite dans ma chambre. Aucun n’était aussi gêné que vous mon cher Nicolas. Soyez tranquille, je ne vais pas vous manger.
…elle me prend vraiment pour un débile. Elle croit peut-être qu’elle m’impressionne…que dalle oui...je me suis juste fait surprendre…au moment où j’allais la laisser en plan, elle a commencé à me causer. Et c’est quoi cette histoire de garçons…eux aussi sur son plumard…c’est vraiment répugnant…
« - Les filles vous embêtent je suis sûr.
- Euh…en fait… pas du tout. Vous savez Candice, j’ai des tas de camarades filles à l’école. Sans elles c’est bien simple je sais pas ce que je deviendrais. J’ai aussi une amoureuse. On se quitte pas d’une semelle, même que nos parents ont déjà fait connaissance.
… ouf, je rattrape le coup…très bien joué…elle me prenait pour un mauvais, et là elle voit que j’assure à fond avec les filles, que de ce côté-ci j’en connais un rayon…elle va être vexe et elle est plus prête de l’ouvrir à nouveau avec ses copains imaginaires…elle croyait me rendre jaloux avec son pipotage…elle est vraiment trop stupide
« - Et vous êtes un bon élève ? Vous travaillez bien ? Dîtes-moi tout Nicolas
- Pour tout dire, je suis un des meilleurs de la classe, tellement que même les filles veulent copier sur moi. Je les laisse faire bien entendu, je suis pas salaud.
- Vous êtes donc un garçon modèle. Moi qui vous prenais pour un jeune fou, libre comme un chat sauvage. Vous me décevez Nicolas, mais juste un peu, rassurez-vous.
…quel crétin, encore à côté ! Cette Candice aime pas les gogos, encore moins les gentils garçonnets avec une fillette aux pattes. Tu vois pas qu’elle te lance une invite…je suis le seul qui peut l’émoustiller…elle veut du sauvage…ne la déçois pas…
« - Vous savez Candice, tout est relatif. On est bon un trimestre et nullissime le deuxième. Il suffit d’être juste moyen au troisième pour passer dans la classe supérieure. C’est ma technique. Et puis avec les copieuses je suis pas toujours aussi coulant. J’en ai déjà mordu quelques unes, elles doivent avoir encore la marque.
…elle me dévore du regard…c’est dans la poche..
- Et si l’on goûtait jeune loup. J’ai acheté spécialement pour vous ces gâteaux, approchez..
…Des éclairs, j’y crois pas. Elle a choisi des gâteaux sacrément sensuels. C’est forcément calculé. Cette Candice, quand même…

Candice… sa chambre bien rangée, sa statuette de la Vierge, ses socquettes et sa culotte blanches, ses éclairs au chocolat. Quelles belles images. Quel bel après-midi d’été…


Episode 8

Candice
Quelques lignes écrites sur mon cahier d’écolier pour fixer un souvenir

Candice m’a conduit hier sur les hauteurs de Vallombreuse pour me montrer la grotte de la croix blanche. Le matin elle est venue frapper à ma porte pour m’aguicher avec cette sortie inattendue. J’étais justement au lit en train de penser à sa poire. Je vivais dans ma tête des aventures magnifiques. J’excellais à imaginer des scènes où j’étalais devant elle ma bravoure, où je la subjuguais par mon héroïsme. Encore aujourd’hui je rougis cramoisi rien qu’à me représenter ces guignoleries. Tantôt je volais à son secours, tantôt je bastonnais ses ravisseurs. Au moment où elle a frappé c’était le grand incendie dans la baraque et au péril de ma vie je me précipitais dans les flammes pour lui sauver la vie. Encore un peu je me sacrifiais pour elle…Faut pas trop que je moisisse sur le lit que je me suis dit, ça me rend tout mielleux, tout à coup je me mets à vouloir copiner avec les filles, à leur trouver des excuses, des circonstances atténuantes, j’ai envie de leur faire plein de gentillesses partout... c’est pas normal…va falloir que tu te ressaisisses…Au réveil, sors illico du lit, aère la chambre, fait de le gym, va au WC, mais surtout préviens-toi de cette mauvaise imagination. Promis ? Tu sais pas où ça peut conduire. Ou plutôt si tu sais…alors reste bien sur tes gardes…on est jamais assez prudent avec elles…comment que tu crois qu’ils tombent tous dans leurs mailles ?
Quand j’ai ouvert la porte elle était là, toute guillerette, la poitrine saillante, la jupe légère, radieuse, pleine d’un entrain admirable…je me suis dit : elle a quelque chose d’indéfinissable qui attire, je dis pas le contraire, mais pas de quoi risquer sa peau pour autant. C’est alors que je me suis aperçu qu’elle me couvait ou plutôt me mangeait du regard. C’était limite gênant. Elle aurait pas l’intention de m’entraîner dans un traquenard amoureux que je me suis demandé. Elle se tenait immobile derrière la porte. Elle disait rien. Bon alors tu causes que j’avais envie de lui dire ou tu restes plantée là comme une souche jusqu’à demain. Et puis qu’elle réserve à d’autres ses regards langoureux. Je suis hors d’atteinte…

« - J’aimerais Nicolas vous faire découvrir la grotte de la croix blanche. C’est à deux heures de marche de la maison. Ouvrez vos volets, le soleil est éclatant. Je pars dans une heure. Je serais si heureuse de vous avoir à mes côtés…
….Qu’est ce que c’est encore que cette grotte. Et cette croix blanche ? Où qu’elle veut me traîner encore ? Elle compte pas me faire prier j’espère ? J’ai essayé une fois tout seul au cabinet…j’avais trop l’air con…et encore personne m’a vu. Je suis pas prêt de recommencer…Si c’est son panard à elle, je suis pas contre, mais qu’elle cherche pas à entraîner les autres…c’est pas le genre de truc qui m’amuse…déjà qu’elle y va tous les jours à sa chapelle, seule ou avec ce gringalet de Ferdinand…ça lui suffit pas on dirait…on a pas idée de se divertir ainsi…
- Avec plaisir mademoiselle Candice. Laissez moi le temps de faire ma toilette, et je suis à vous. Quelle bonne idée vous avez eue !
…Qu’est ce que je peux être fayot parfois… elle me fait un gros sourire, elle est toute rayonnante…elle m’a cru…si elle savait comment je m’en tape de sa grotte…c’est juste histoire de me changer les idées et de respirer un autre air, parce que dans cette maison du malheur, je veux pas dire, c’est pas respirable…on peut vraiment lui faire gober n’importe quoi à cette Candice…
- Je vous attendrai devant le grand portail dans une heure mon cher Nicolas…
Elle sort… ouf…je tenais plus…je suis vraiment pas faux-cul de nature. Encore un peu j’allais lui claquer la porte au nez tellement elle devenait gavante avec son histoire de grotte à la noix

Voilà donc comment que je l’ai reçue. J’ai attendu quelques secondes qu’elle s’éloigne. Puis j’ai commencé l’opération commando. Trois quarts d’heure montre en main pour devenir le type propret de ses rêves. J’ai soigné ma mise comme jamais : le futal du dimanche, la chemisette vichy, les tennis blanches, les chaussettes propres, rien que pour la faire craquer. Et pour les finitions, un brin de gel et du stick de papa sous les bras. Elle va adorer…Je suis descendu rapido pour la rejoindre. Sa mère m’a filé au passage un sac tout rempli de bonnes choses…Candice m’attendait au bout du jardin…. Finalement j’étais pas si mécontent d’aller la visiter sa grotte à la croix…

02/10/2005
Sombreval

Tags : Tradinette




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