Dublin 2007 - I



Dublin 2007 - I
« The land of saints and scholars has become better known as the land of stocks and shares, of financial success and security. Tragically it has also become a land of increasing stress and substance abuse (…) People are seeking to control their future rather than entrust their future to God’s promise and plan. The result is an increasing culture of insecurity and fear. What often appears on the outside to be a culture of confidence and certainty in Ireland is in reality a façade. More and more Irish people are becoming stressed out trying to bring a security to their lives that only trust in God can give… » Archbishop Seán Brady, August 2007

L’accession de l’Irlande à l’indépendance n’a semble-t-il été qu’un leurre. L’influence anglo-saxone n’a jamais été aussi prégnante et il faut se retirer dans les landes les plus reculées pour y échapper. L’Irlande s’est enfin ouvert au monde moderne dit-on souvent, à son réalisme, à ses vertus d’entreprise et son dynamisme économique. Des centaines de charters déversent chaque semaine des flots d’immigrés venus d’Asie, d’Europe, d’Afrique, attirés par sa prospérité, ses points de croissance, ses multinationales, son faible taux de chômage, peut-être aussi par le goût de l’aventure. Tout semble possible dans cette contrée vierge….
L’activité frénétique qui règne à Dublin, la capitale qui concentre une grande partie de la population d’Irlande, la formation de communauté d’immigrés repliés sur leur identité, les tensions suscitées par la précarité rampante à laquelle sont exposés les nouveaux arrivants et que ne manquent par d’exploiter les «locaux», apparentent la ville au New-York effervescent et sauvage du début du XXe siècle. Mais Dublin est une ville ancienne, où tout est beaucoup plus compliqué et bloqué qu’il n’apparaît de prime abord. Les puissances financières, les grands groupes, les banques contrôlent son destin. L’insuffisance des infrastructures, des logements n’est pas la résultante d’un développement trop rapide comme d’aucuns l’affirment un peu trop rapidement. Elle sert surtout les intérêts des propriétaires, des spéculateurs et des commerçants. Elle a pour effet d’entretenir un conditionnement malsain qui génère une main d’œuvre docile, prête à tout accepter pour simplement survivre. Car il ne faut pas s’y tromper, la plupart des emplois qui s’offrent à vous à Dublin sont des emplois sous-qualifiés : employé de fast-food, caissier ou manutentionnaire dans une grocery, serveur ou vendeur si votre niveau d’anglais est suffisant. Les perspectives pour les immigrés sont assez désolantes. Que vous soyez membre de la communauté européenne, désireux de vous installer à Dublin, mû par un désir de changement, dans une optique culturelle ou pour améliorer votre anglais, que vous soyez donc européen, français ou un asiatique conditionné pour travailler sans broncher, soumis, déshumanisé, le traitement est identique. Si vous n’êtes pas bilingue, ultra-spécialisé dans telle ou telle branche technique de la finance, de l’informatique ou de la comptabilité, «riche» - je dirais pour ma part «appauvri», à la fois spirituellement et intellectuellement - d’une expérience de plusieurs années dans le monde anglo-saxon, vous n’avez aucun avenir en Irlande. Il reste les jobs de «french costumer service» dans de grosses sociétés américaines comme Manpower ou e-bay mais je n’ose imaginer le nombre de candidatures qu’elles reçoivent. Ces jobs ne requièrent aucune qualification particulière mais je suis certain qu’un grand nombre de haut diplômés y postulent…J’ai rencontré un français qui officiait comme caissier dans une épicerie à l’écart du centre de la ville. J’ai discuté un peu avec lui et quelle n’a pas été ma surprise d’apprendre qu’il était à Dublin depuis quatre ans. Voilà l’exemple d’évolution professionnelle promise au français. Beaucoup semblent condamnés aux plans galère : logement dans une auberge de jeunesse, boulot payé au black qui vous permet de payer votre chambre dans un dortoir de seize, plus un ou deux repas…les plus tenaces et téméraires finissent par dénicher une small-chamber louée 500 euros par mois et s’enfoncent dans la précarité…la plupart reprennent un billet de retour par Ryan-Air qu’ils payent le prix fort (car réservé au dernier moment) ou s’en vont tenter leur chance à Londres, toujours par Ryan-Air qui tire aussi son intérêt du système socio-économique mis en œuvre en Irlande. Le travail est interchangeable, les hommes aussi, condamnés à la mobilité et au nomadisme.
Les français sont en général traités avec une certaine condescendance, ce qui est assez révélateur de la mainmise des anglais et des américains sur cette ville de plus en plus aliénée.
La pénurie des logements entraine une autre dérive : la spéculation immobilière. Il devient presque impossible de se loger à Dublin. Les loyers atteignent des prix qui frisent l’indécence. La seule solution offerte au travailleur lambda, à l’étudiant et autres, c’est la collocation. Les irlandais qui ont flairé le filon n’hésitent pas à louer entre 450 et 500 euros par mois (sans les charges) des chambres de 5m2 dans la périphérie de la ville. C’est à peine si vous pouvez installer un bureau ou une télé. Ils ont aussi inventé le partage des chambres. Quatre personnes paient cinq cent euros chacune une simple double-room avec lits superposés…Tout ce marché assez minable s’étale sur le site daft.ie où il n’est pas rare de découvrir des annonces bidons (des chambres rutilantes louées 400 euros dans le quartier de Temple Bar, le plus recherché de la ville !!!) destinées à tromper les étrangers. L’accroissement de la demande fait qu’à certaines périodes on ne peut plus trouver un logement sans verser un «dessous-de-table». Idem pour le travail. Le Irish Times a signalé récemment des cas d’immigrés ayant dû payer pour obtenir leur job. Une nouvelle profession est en train de naitre, l’intermédiaire….

A suivre : l’anéantissement de la vie culturelle et artistique, le culte de l’argent, du confort et de la consommation, crise du catholicisme et sécularisation de la société, à quoi sert l'Europe ?...


09/10/2007
Sombreval





1.Posté par Athanasios D. le 11/10/2007 15:21
Aïe... Sombreval, le retour (au pays) ?

Je n'imaginais pas que ce serait aussi difficile. Bon courage pour la suite !

Ath

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