2001 (Rio-Radio Courtoisie...)



Tourisme : Rio de Janeiro

2001 (Rio-Radio Courtoisie...)
Samedi 22 à Rio : visite du Pain de sucre, et retour au Corcovado. Le Pain de Sucre se gagne en téléphérique. Vue superbe en montant sur le littoral entre Copacabana et Botafogo : il y a deux ou trois plages protégées, totalement vides de touristes. C'est un peu comme si, à côté de la plage de Nice, on trouvait les Calanques de Marseille.
En haut, les touristes restent groupés près de la buvette et des lunettes télescopiques. Ils manquent donc le petit jardin suspendu qui se trouve en contrebas du pain de sucre, où des galeries étagées dans la flore dense offrent une vue nonpareille autant que tranquille. On peut voir Rio, bien sûr, mais aussi l'aéroport Santos-Dumont, on est face à la piste de décollage. On a une belle vue sur la baie, et sur Niteroi. Au bord d'un rocher, en face, un édifice en forme de soucoupe volante : c'est le musée d'art moderne que je me promets de visiter demain.
La principale révélation du Pain de Sucre, c'est qu'il y a bien plus de mornes à Rio que ce que l'on croit. L'omniprésence des immeubles de 10 ou 15 étages empêche de voir le relief qui se cache derrière.
Retour sans encombre sur le morro de Urca puis le plancher des vaches et des marins, puisqu'une bonne partie du coin est occupée par des casernes. Le soldat brésilien ne se désintéresse pas totalement du look; et les marins semblent très fort dans ce domaine. O Jean-Paul Gaultier !

Un taxi entreprenant m'emmène au Corcovado où j'arrive juste après le coucher de soleil. Les mesures d'économie d'énergie en vigueur font que bien des choses autrefois éclairées ne le sont plus, et que la vue nocturne n'a plus le charme d'antan. Cela reste toutefois magnifique, avec une vue imprenable sur Ipanema, Leblon, les rochers de Sao Conrado et Gavea, et au premier plan, sur la lagune et l'hippodrome, appelé ici "Jockey club".
A midi, j'avais déjeuné au restaurant belge de l'hôtel. Foie gras poêlé, magret de canard (le plat, ici, est considéré comme luxueux, et vaut plus qu'un repas entier dans une churrascaria d'Ipanema, 45 reais soit 150 francs : c'est très cher) puis sauté de mangue. Tendance à abuser de la sauce sucrée, au miel. Le foie gras est assez bien fait mais d'un goût trop rustique, quand au magret, il est trop dur. Cela fait tout de même un repas à 300 balles (avec un Cabernet-Franc du Parana pas extraordinaire, le seul vin brésilien qu'on a voulu me servir; le reste de la carte est américain, argentin et surtout français). Bref, c'est le Maxence version locale! Je n'aurai même pas à payer ce balthazar, puisque le garçon prendra mal mon numéro de chambre; et qu'un autre client de l'hôtel la paiera deux jours plus tard sans s'en rendre compte. Conseil pour les voyageurs : donnez toujours votre numero de chambre en anglais, ça allège la note!

Dimanche 23 : musée d'art moderne de Niteroi. Pour aller à Niteroi, il faut traverser la baie, ce que j'ai fait avec le taxi de l'hôtel. Le pont Rio-Niteroi est fameux pour sa longueur (plusieurs kilomètres) mais aussi pour son arche centrale, à 80 mètres au-dessus de l'eau, et large de 800 mètres, pour que les cargos puissent passer dessous. Niteroi a un littoral très rocheux, en partie dévoré par des installations portuaires, puis par un petit village de pêcheurs reconstitué, puis par des plages à la Rio. On passe d'un instant d'un décor de Myst à un endroit qui rappelle furieusement le Puerto Pollo de Monkey Island 3, puis à une plage plus classique. Au détour de laquelle la fameuse soucoupe volante, œuvre de Niemeyer, se tient sans complexes. Paysage magnifique, vue à 360 degrés; les collections à l'intérieures sont dignes d'intérêt elles aussi. Parmi les visiteurs, deux gars de 25 ans, un peu trop sages et trop droits. Des Européens? Nenni. L'un d'eux porte un T-shirt "academia de forças areas", ou quelque chose de ce style. Voilà bien Rio : une ville où l’on voit des élèves de l'école de l'air locale, en tongs, qui viennent se cultiver dans un musée d'art moderne qui ressemble à une soucoupe, construite par l'architecte de Brasilia, que l'on atteint après un immense pont et des décors de jeu video!
Je les crois même capables d'appeler un faubourg "capitaine Haddock", s'ils en avaient envie.

Dejeuner dans un japonais pas trop mauvais à Ipanema. L'après-midi, boulot à l'hôtel puis shopping à la fnac de Barra da Tijuca, où je trouve un CD d'orgue de Pärt, Maxwell-Davies et Glass que je cherchais depuis des années en France. Le soir, dîner dans ma chambre grâce à mes bons amis du room service. "Do you speak English? Hmm, so so… one moment please… (bruits de pas : on va chercher LA serveuse qui cause Anglais, parce que c'est l'heure ou le 410 - prononcez four-one-zero a soif et veut sa caiprinha).
La caipirinha a d'ailleurs servi de prétexte à un des serveurs pour causer avec moi. Il parle anglais, et semblait désireux de savoir ce que je faisais (I work with the drugs industry… - you mean… PILLS? - Yes. Ouf, les cartels colombiens n’ont pas débarqué dans notre hotel.), de causer anglais, et la prochaine fois, "if I am still there", il me montrera des coins chouettes de Rio. Maman a voulu savoir si par hasard il n'était pas pédé… mais je crois qu'il est brésilien, ça suffit bien comme ça pour être communicatif.
La prochaine fois, prendre le tramway de Santa Teresa.

Lundi, rien de spécial. Mardi André revient de vacances et se retrouve immergé dans la cohue du boulot plus vite qu'il ne le voulait. Au point que nous sautons le repas de midi, et qu'une réunion l'après midi nous emmène de 14 heures à 20 heures. Pour se remonter, nous allons prendre une picanha chez Vinicius.
Explication pour ceux qui ne sont pas de mon équipe : Vinicius, c'est Vinicius de Moraes, l'immortel auteur (avec Tom Jobim) de la Garota d'Ipanema, ou en anglais de the girl from Ipanema, l'une des chansons les plus célèbres au monde, popularisée entre autres par Stan Getz et Joao Gilberto. L'histoire en est simple : Vincius est assis un jour a un bar, il voit passer une jolie fille, et zou, la chanson est née. Depuis, la rue s'appelle Vinicius de Moraes, et le bar la Garota Ipanema. Il n'est pas très sympathique, un peu trop touristique. Mais en face, il y a un autre bar, le Vinicius, plus classe. On y sert une caipirinha a réveiller les morts, et une excellente picanha, disons que c'est une pierrade locale, avec de la viande en veux-tu en voilà, pour moins de 50 balles. André me dit que c'est la chose qui lui a le plus manqué lorsqu'il était à Lisbonne.
Sa femme dîne avec nous. Elle travaille pour une télé portugaise et me raconte son entrevue avec Niemeyer - qui a 90 ans et vit à Copacabana. "On sent que c'est un génie", dit-elle. L'homme qui a construit Brasilia a encore des projets (une cathédrale en Europe, paraît-il), et déjà son avenue à Rio, une ancienne piste de circuit automobile en corniche au bord de mer qui a été reconvertie en promenade touristique entre Leblon et Sao Conrado.

Mercredi midi, je régale la filiale dans la churrascaria de Penha que nous avions fréquentée l'autre jour. Le quartier a beau ressembler à des terrains vagues avec des cabanons, le resto dispose d'un voiturier, et nous mangeons pour moins de cent balles, dont une tarte à la maracuja… en français, on appelle ça des fruits de la passion. Voilà pour la couleur locale.
Le soir, après avoir réussi à arracher un sourire au client (après neuf heures de réunion en tout!), me revoilà dans l'avion, disposé à finir 99 francs de F. Beigbeder, franchement amusant malgré que son auteur m'horripile. Mais un excès de jus d'orange, un drôle de bruit des réacteurs (pas le bruit de perceuse classique mais un autre bruit de perceuse essouflée, mois courant) et des turbulences sans arrêt me font passer une nuit stressée. Cela va jusqu'à l'hôtesse qui vient nous dire "au revoir" AVANT l'atterrissage. Superstition. Mais finalement aucun problème. Il faudrait que j'admette que certaines carlingues ont un droit à la différence vibratoire.
Ce qui est amusant, c'est que je suis bien plus en sécurité dans un A340 au-dessus de l'Atlantique que dans un taxi à Rio, mais j'ai l'impression inverse

Tourisme : Prague.

L’avion est loin d’être plein. La psychose terroriste poursuit ses effets. Il n’y a pas de jour sans que j’entende des baisses à deux chiffres de l’activité de tout ce qui tourne autour du transport aérien et du tourisme. C’est le moment de se payer des nuits au Sheraton de Manhattan à moins de cent dollars, ce qui est proprement inimaginable.

Vendredi soir, dîner à l’hôtel Villa Voyta. Foie gras sauté, filet de « sea bass » (translation, anyone ?) et dessert très bon mais que j’ai oublié. Avec le foie gras, un verre d’ Eiswein de Moravie (dépaysant, non ?) et un verre d’un Sauvignon blanc local ensuite. L’ Eiswein ressemble assez à du Gewürztraminer. Attaque douce, et finale épicée.
Comme il n’y a plus de place au resto, on me dresse la table dans le hall d’entrée, où je peux regarder la télé : un navet sur une chaine privée allemande. La veille, c’était une dramatique sur les guerres de religion en Bohême, plutôt saignante. Il est vrai que les Tchèques en ont connu, des guerres de religion !

Samedi matin, direction le château de Prague, le plus grand château d’époque au monde, me dit-on. Je traverse des cours, paye des billets, visite l’ancien palais royal (une salle gothique tardif où se déroulaient les joutes par mauavis temps), la cathédrale Saint Guy (gothique achevée vers 1930, très harmonieuse mais avec quelques vitraux art nouveau franchement gerbants ; tombeaux disgracieux de tout le gotha de Mitteleuropa, même ceux de St Denis sont plus beaux), l’église St Georges (romane rustique, plafond plat et nef aveugle, tombe de Ste Ludmila et crypte fort ancienne.), la Gelbe Gaesschen, rue de petites maisons de poupée où Kafka habita un temps. Le propre de Kafka semble d’avoir beaucoup déménagé, et d’avoir habité beaucoup de sites touristiques, d’ailleurs.

Relève de la garde à midi. Je suis mal placé et entends plus que je ne vois. Cela donne en gros ceci : « krt prts sdfcrt ! » (clac) « grnt krc spchr » (clac clac). De temps en temps, on voit un képi avec un Tchèque dessous se déplacer. Point original : la fanfare joue depuis une des fenêtres du château ; et elle joue un petit air entraînant. Les gardes, s’ils présentent bien, ne sont pas amidonnés comme ceux de Buckingham Palace peuvent l’être. Ils crèvent de chaud. Le guide m’explique qu’ils ont remplacé un affreux uniforme soviétique par quelque chose de plus « réveil national tchèque en 1920 ». Il y aurait des touches d’autricherie dans tout cela que ça ne m’étonnerait tout de même pas.

Déjeuner dans un japonais de Mala Strana. Je peux enfin fuir les grappes de touristes fort pénibles, et très nombreuses pour Octobre. Des Tchèques, mais aussi des Allemands et des Russes. La touriste femelle est ici une grosse vache à œillères, qui ne vous voit pas et vous marche dessus. Les jolies Tchèques sont pour l’exportation : hotel et hôtesses de l’air : toutes étaient splendides lors de ce WE. Je vais finir par en ramener une.
Je poursuis ma journée sur le Pont Charles (que de monde !) puis sur la place de la vieille ville (un superbe magasin de cristal de Bohème), et par les rues vers la place Venceslas. La musique classique tient le haut du pavé ici, et de nombreuses personnes tiennent des pancartes vantant des concerts qui ont lieu le jour même. Je crois qu’il est possible, à Prague, d’entendre les Quatre saisons tous les soirs si on le veut.
La place Venceslas est un truc allongé et hideux, baigné de gaz d’échappement et d’odeurs de graillon. Cela ressemble à un des habituels paradis pour touristes : une boutique sur deux est une agence de change, et l’autre vend des T shirts ineptes. On se croirait à Rastatt, c’est dire l’horreur. Moralité : finir la visite par Hradcany, au lieu de la commencer comme je l’ai fait. Je prends là un taxi qui me ramène à l’hôtel en m’escroquant copieusement. Par les moustaches de Plesky-Gladz !
La fille de l’hôtel me dit qu’on ne peut rien faire contre les taxis : ils font payer le prix qu’ils veulent ; même le gouvernement n’a pas réussi à les faire fléchir. La bonne solution aurait été d’appeler l’hôtel, pour qu’eux-même appellent un « bon » taxi. Dont acte.

Le taxi de l’hôtel me raccompagne alors jusqu’à l’aéroport. Je découvre que c’est très classe, de voyager dans le taxi de l’hôtel – qui est une sorte de monospace assez large avec le logo de l’hôtel sur l’aile. C’est le logo qui fait distingué : tout le monde regarde qui donc l’hôtel Villa Voyta peut conduire. C’est plutôt marrant, d’autant qu’à Paris, cela passerait inapperçu. Ici, c’est l’effet limousine, sauf que les vitres ne sont pas fumées.
Je suis tellement à l’avance à l’aéroport que je peux prendre le vol précédent. Bien agréable.
Un peu de vocabulaire tchèque : Letiste veut dire « aéroport », Vychod (viss-hod) = sortie, Dobryden (en roulant le R) = bonjour, Diekouji = merci, most = pont (Karluv most : le Pont Charles). Hrad, bien sûr, veut dire château. Prasky Hrad, c’est le château de Prague. Vysehrad, c’est la château historique au sud de Prague que Smetana décrit dans « Ma patrie », et dont le thème triomphal se fait entendre dans « la Moldau », vers la fin. Moldau qui se dit « Vltava » à Prague, avant de se transformer en Elbe une fois en Allemagne. Quant à « restaurant », c’est « restaurace ». Facile !

Indignation touristique : château de Lichtenberg, Vosges du nord.

2001 (Rio-Radio Courtoisie...)
Visite du château de Lichtenberg, qui a été livré au ravage d’architectes contemporains, qui se sont crus obligés d’installer un auditorium et un mini-musée. Fort bien, si cela ne faisait pas ces bouses ultra-modernes qui semblent que l’on a installé un campus au milieu d’un château de grès des Vosges. C’est vraiement affreux ; les coupables s’en justifient par des sophismes du genre « un château est une mémoire des siècles, et le nôtre se devait d’apporter sa touche ». Les comtes de Hanau-Lichtemberg ne savaient certainement pas qu’ils construisaient une « mémoire des siècles », les pauvres rustiques qui croyaient édifier une construction militaire !

2001 (Rio-Radio Courtoisie...)
Bref, pour parler comme Rabelais, que le feu Saint Antoine arde le boyau culier des taliban architecturaux qui ont saccagé mon beau château en lui greffant des entrepôts de Darty. Et si cela ne suffit pas, il reste des citernes dans lesquelles on peut essayer l’estrapade sur eux. Non mais.
(ci-contre : l'auditorium)

Tourisme : le lieu géographique du Great Divide.

Dans l’avion au-dessus des îles du Cap Vert.
Il y a dans un jeu connu, qui consiste à faire un tour du monde en achetant des espèces animales menacées, un lieu de pénitence, comme une sorte de purgatoire : l’île Maurice. Pour nous, abonnés du Paris – Rio, le purgatoire est quelque part par ici, au-dessus de Mindelo. Lorsque l’on voit le nom s’afficher sur l’écran, cela signifie que l’on est au milieu du voyage, c’est à dire loin de Paris, loin de Rio, et au-dessus d’îles minuscules qui sont les seules aux alentours, et sur lesquelles à n’en pas douter il n’y a pas de fnac. En vue perspective dirigée vers Rio, avec Paris dans le dos, la carte ne montre qu’une immensité liquide. Mindelo, c’est la dernière étape avant trois heures de survol de Waterworld ; en général l’avion est plongé dans la pénombre, tout le monde dort. L’avion s’éloigne des côtes de l’Afrique qu’il suivait lâchement et traverse l’océan. En bas de la carte, on voit déjà Fortaleza apparaître – c’est une carte optimiste. Mais ceci n’est que pour plus tard, une heure avant le dîner.
Mon horloge parisienne annonce 19 heures 40 ; à Rio il est 16 h 40.

Livre : initiation à l’interprétation du chant grégorien, Band Eins, par le P. Göschl et Luigi Agustoni

Traduit par le P. Saulnier (Solesmes)
Je reviens de la Procure avec un nouveau livre du P. Saulnier (qui traduit en les adaptant Luigi Agustoni et JB Goeschl) sur l’interprétation du chant grégorien à la lumière des travaux modernes. L’opus traduit date de la fin des ann&es 80 mais, faute de langage, il n’était connu ici que des germanophones. Le voici maintenant en français, et il s’annonce comme un livre important. D’abord parce que les seules notions d’interprétation dataient de 75 et de la « première année » de dom Cardine : c’était peu ; ensuite parce que l’ami Saulnier a profité de l’occasion pour peindre un tableau de la recherche grégorienne qui dit implicitement qu’il en est un des pontes, puisqu’il est à un endroit du paysage suffisamment élevé pour tout voir. Pour la première fois dans un exposé historique du développement du chant grégorien, les faits post-dom-Gajard sont intégrés, font partie de l’histoire ; dom Cardine lui-même est partie de cette histoire, et sa sémiologie est mise en perspective alors qu’on la recevait comme parole d’Evangile autrefois.
Quelques thèses méritent qu’on s’y arrête, d’autant qu’elles concernent parfois plus l’histoire de l’Eglise que celles du seul grégorien.
- il y a un mythe qui dit que le grégorien est un chant populaire, à savoir : un chant pour les fidèles. Pie X a été en partie victime de ce mythe ; c’est aussi à lui que l’on doit les « méthodes » qui contredisaient la nature du grégorien en l’enfermant sous des théories toutes musicales.
- Corollaire : le Vatican a parfois fait preuve de trop d’interventionnisme dans la manière dont il fallait chanter. Aujourd’hui, il fait preuve de plus de discrétion et c’est bien ainsi.
- La sémiologie de dom Cardine a été mal interprétée par des gens qui ne voyaient plus que le neume ; il ne faut jamais oublier que le grégorien est avant tout un chant liturgique, et que le neume n’est pas un absolu.
- Le chant grégorien n’est pas destiné à la masse des fidèles, bien qu’il reste l’expression parfaite de la parole et l’acte cultuel chrétien. En bref, il faut une chorale, et il faut qu’elle se forme et travaille.
Certains de ces points sont hardis.

Vie professionnelle : la grande classe d’un de mes anciens patrons.

Un récent mail qui a eu l’oreille de bien des gens, c’est mon compte-rendu de la réunion houleuse avec *** la semaine dernière. Le mail est remonté jusque sur le bureau de *** , qui s’est exclamé en comité de direction : « on va pas se laisser bouffer les couilles ! » La phrase est devenue « culte » du jour au lendemain, et il est furieusement tendance de la placer dans une conversation. Tout ce que le big boss a dit est sacré !

Radio : Radio Courtoisie et la recherche de la vérité

2001 (Rio-Radio Courtoisie...)
Le matin, lorsque je n’ai pas envie d’entendre de CD en route vers le bureau, il m’arrive de mettre radio courtoisie. C’est une radio qui se dit « indépendante », et l’est à peu près autant que Présent et dans la même direction. A l’heure à laquelle je l’écoute, cette radio rediffuse des émissions de la veille, et notamment un « libre journal » qui se décline à l’infini. Il y a un libre journal des scouts (ils savent donc parler et penser ?), et même un libre journal des lycéens dans lequel pas un seul mineur ne parle.
Ces émissions, si elles étaient plus connues, seraient une cible merveilleuse pour les caricaturistes tant elles sont bourrées de tics. On se tient au principe de lire à l’antenne les messages d’auditeurs quels qu’ils soient ; et il y a « une auditrice » en particulier qui est une vraie passionaria. Je suspecte que c’est chaque fois la même. Imaginez ce que peut donner au téléphone le genre de femmes d’un certain âge, mal baisées, plus baisées ou jamais baisées du tout, qui n’ont jamais travaillé de leur vie, et ont des avis sur la politique. On peut ainsi parler des carences de la justice en France, ou d’un tel juge en particulier, et de sa position sur la présomption d’innocence ou le malaise des gendarmes. Et soudain : « une auditrice nous dit : « de toutes façons, c’est un pédophile homosexuel qui est 33eme degré au Grand Orient, et son père était trotskiste » ». L’animateur du libre journal émet un mot de protestation du genre « nous ne sommes pas d’accord avec tout ce que disent nos auditeurs ». Il n’empêche que ces messages, qui émanent toujours d’ « une auditrice », me font penser aux glapissement de la mère *** ou de la mère *** à la sortie de *** , lorsqu’elles parlaient de *** : « c’est un franc maçççççoooooooon ! Il est le grand maître de sa loooooge ! »

Un autre point satirisable, c’est l’âge des intervenants. Plutôt mûr, l’âge. Avec le fait que ces messieurs ne parlent pas très fort, les micros sont près des bouches, et l’on entend des remous de bave avant et après qu’ils aient parlé. C’est dégoûtant.

Il y a parfois des bonnes surprises. Ainsi Jean Dutourd y intervient au téléphone par moments. Il a toujours l’air jovial, de bonne humeur, aimablement réac sans trop se prendre au sérieux. Jean Dutourd est une bouffée d’air pur. L’autre jour, il racontait comment un impétrant de l’Académie avait souhaité que l’on ne portât point son épée lors de sa cérémonie d’intronisation. C’était pendant la guerre du golfe, et la personne en question souhaitait symboliquement qu’il n’y eût pas d’arme sous la coupole à cette occasion-là. Jean Dutourd raconte que Claude Lévi-Strauss s’est alors penché vers lui, et lui a demandé : « mais comment ferons-nous si les gardes républicains nous attaquent ? »

Selon l’animateur, tous ces « libres journaux » ont un niveau plus ou moins élevé. Lorsque c’est St Robert qui s’y colle, le ton est nettement littéraire et culturel, c’est une émission fréquentable. Lorsqu’on y entend Beketch, c’est du politique à fond. Et lorsque c’est Jean Ferré, c’est de la bile sur tout le monde.
Ce matin, on évoquait le fameux troisième aéroport de Chaulnes. Comme on le sait, l’idée est aberrante car elle met cet aéroport à plus de cent kilomètres de Paris. Mais bon, si les charters pour St Domingue décollent de là plutôt que de Roissy, je m’en fiche un peu.
Pour nos libres journalistes, il n’en allait pas de même. Il y a en effet des morts de la bataille de la Somme enterrés ça et là dans le coin ; et l’opération nécessitera de raser deux ou trois villages. La perspective change alors : le ministre communiste Gayssot entreprend purement et simplement un crime contre l’identité du pays. Pourquoi ? Parce que l’on effacerait des souvenirs de la guerre de 14. Parce que l’on licencierait de braves paysans français. Et parce qu’on ferait venir des marocains pour construire l’aéroport. Eh quoi ! Et pourquoi pas nos paysans locaux ? « Parce qu’ils ne veulent pas, et que les immigrés déjà en place ne veulent pas non plus. » Voilà donc comment notre radio « indépendante » fait de cet aéroport le fer de lance du crime contre l’identité et de la Picardie bronzée.
Mais il y a mieux. Emportés contre l’aéroport, nos vieillards radiophoniques s’emportent contre les avions. « On a déjà eu Disneyland (encore un autre crime contre la France, on s’en souvient), on va avoir crash-land ». L’aéroport est ailleurs traité de « patinoire à zincs » pour faire plaisir « aux eurocrates et aux amateurs de viande fraîche thaïlandaise, parce qu’il n’y a à peu près que cela qui voyage en avion ».
N’étant pas un eurocrate, j’ai un peu peur de regarder ma propre situation en face… J’ai souvent dit qu’au Brésil, la viande était bonne, ce qui n’arrange pas mon cas.

Comme disait ce père à son fils qui s’était mis un anneau à l’oreille : « ceux qui font cela, c’est soit des pirates, soit des pédés. Or, je ne vois pas de bateau devant la maison… »
Enfin bref, radio courtoisie, parfois, vaut bien Rires et Chansons.

21/09/2003
Nelly




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