Da Vinci Code : maxi recension (Nelly-3)

En fin de compte, il y aura quatre parties. Aujourd'hui : les personnages, le ridicule et les clichés



Le scandale et son parfum

Da Vinci Code : maxi recension (Nelly-3)
Venons-en au film. Après tout, qu’importe la véracité de l’argument, du moment que ca distrait les foules pendant deux heures ?
Le problème, c’est que vrai ou pas, l’argument est singulièrement crétin et alambiqué. La descendance de Jésus, c’est une chose. Grand amateur d’ésotérisme, Didier Convard, vers 1987, avait publié un «Brunelle et Colin» chez Glénat, le sixième de la série, je crois, qui faisait d’un sosie de Colin, Baudouin, le descendant du Christ enlevé par une secte de chevaliers fanatiques qui voulaient le porter à leur tête et le faire roi. L’histoire a déjà été traitée.
En revanche, trouver des signes dans «la cène» de Léonard, c’est là que ça part en couille. Interminable digression à la Photoshop : et que je te montre des V, et que je te montre des Lambda. Le lambda, symbole de la bite (appelons les chose par leur nom), subsiste d’ailleurs sur tous les uniformes militaires du monde comme signe de virilité. Et le graal, c’est quoi, finalement ? La femme, l’éternel féminin ? Marie-Madeleine ? Un Calice ? Un V majuscule ? On ne sait plus trop. Ce qui est éblouissant, c’est que Ian McKellen arrive à sortir vivant – et les spectateurs avec lui – de cette explication alambiquée. Il est vraiment fort.

Ian McKellen

Il campe, au demeurant, un personnage, le seul, qui a de l’épaisseur. Riche anglais, avec une tendance francophobe marquée et comique. On pense à Tolkien qui inscrivait «pas un sou pour le Concorde» au dos des chèques pour ses impôts. Handicapé, il ne peut se déplacer sans ses cannes et garde magré cela une cordialité, une bonne humeur à toute heure. Il a une croisade, une quête : la démystification de l’Eglise, qu’il accuse d’avoir camouflé la vérité : que Jésus allait confier les rênes de l’Eglise à Marie Madeleine. Même lorsqu’il se lance dans un radotage obsessionnel et fanatique, il garde son charme et son allant… jusqu’au moment où le tempérament du criminel prend le dessus. Oui, Ian McKellen est le bon morceau du film. Il me fait penser à un franc-maçon anglais, un vrai, lui, avec qui j’avais eu des discussions orageuses lors d’un de mes séjours londoniens. Lui et son épouse étaient riches et accueillaient des étudiants étrangers pour le plaisir dans leur maison de Beckenham ; il y avait toujours cinq ou six personnes à table. Un soir, la conversation s’engagea sur le christianisme et il me servit (pour la première fois de ma vie) quelques arguments recuits : «évêque» veut dire «surveillant» ; l’Eglise est misogyne ; la divinité de Jésus a été fabriquée par Constantin et le concile de Nicée, etc. Il avait la partie d’autant plus facile qu’en face de lui ne se trouvait qu’un gamin de quinze ans, qui parlait anglais comme un gamin de quinze ans : ce n’était pas dur d’avoir raison. En dehors de son dada anti-clérical, il était parfaitement normal. Mieux, une bible maçonnique (en anglais) traînait dans ma chambre. Comment pouvait-il concillier cette bible et sa haine de la religion ? Je ne lui posai pas la question pour ne pas déclencher une nouvelle salve d’arguments irréfutables en langue étrangère. Ian McKellen, dans le film, m’a souvent fait penser physiquement et moralement, à mon hôte, affable, bien éduqué, et insupportable dès qu’on touchait à son dada. Complexe et proche de la vie, en somme.

Les autres gentils

On ne peut malheureusement pas en dire autant des autres. Tom Hanks, le «symbologue» (comme moi je suis aspirologue) traverse le film comme un somnambule, ballotté qu’il est par l’enquête qu’il subit plus qu’il ne la mène. Le rebelle avec une cause, c’est Ian McKellen. Hanks, lui, fait le sceptique. Il parait que dans le livre tous deux (Langdon et Teabing) partageaient les mêmes idées, avançaient ensemble. Voilà qui aurait été plus efficace pour le film !
Audrey Tautou, comme dans Un long dimanche de fiançailles, est vivante comme une poupée de cire et débite les répliques télépathiques avec Hanks. «Vous avez la mémoire eidétique ?» voilà qui fait envie ! Jean Reno fait ouargh et grompf, comme d’habitude. Tautou a une ou deux répliques surréalistes : c’est précisément là qu’elle retrouve son charme loufoque qui faisait le bonheur d’Amélie Poulain.

Le méchant moine tueur albinos

Et puis il y a le méchant moine albinos de l’Opus Dei. (On ne rigole pas). Les sévices qu’il s’inflige prouvent bien à quel point il est méchant. Le cilice a la largeur d’une route départementale, et qu’est-ce qu’il pique ! Silas, car c’est son nom, ne sait pas faire les choses simplement : il ne peut pas s’empêcher de tout accomplir dans des gestes grandiloquents, brutaux. Sangle-t-il son cilice ? c’est dans un grand coup de poignet, en tressaillant de façon appropriée ? Se donne-t-il la discipline ? C’est alors tout un poème : il se met à poil. Depuis Rutger Hauer dans Blade Runner, on n’avait plus guère vu ça. Comme les écossais, il ne porte rien sous son kilt et la caméra nous le montre, de dos, plutôt bien foutu. Mais c’est pour s’attarder à loisir sur les restes de la flagellation précédente, des bubons rouges et des entailles sur tout le dos, qui n’ont pas le temps de cicatriser que la discipline va les rouvrir. Silas est donc à poil devant un crucifix (sur un mur nu, cela va sans dire), et il se donne deux coups. Deux, pas plus : ce n’est pas de la discipline de pédé, mais plutôt de la grosse corde à rideaux qui déchire. A chaque coup, il rugit comme John McEnroe au moment de servir. Un coup de plus et on versait dans La passion de Mel Gibson, l’interdiction aux moins de seize ans et tout et tout. Donc, deux coups. Sufficit.

Le moine tueur : pas tout à fait tranquille ?

Je me demande tout de même les signaux que cela envoie, tout cela. Au lieu d’avoir un ascète qui se purifie, on a un adonis qui s’auto torture. Le genre de public qui aime les tableaux de St Sébstien se régalera ; faut-il croire que ces plans sont fait exprès pour lui ? La fixation sur le corps physique, la chair fouettée le laissent penser. Et voilà les «moines de l’Opus Dei» : des gros homos bogosses refoulés et masochistes. Je n’ose pas imaginer la flagellation à deux : ça doit être torride. Et qui fichent des claques aux bonnes sœurs de St Sulpice. Oui oui, il y a là-bas des bonnes sœurs habillées en chanoinesses à l’ancienne mode. Faut le comprendre, l’albinos : il a eu une enfance martyre.

Il y a plus drôle que la complaisance sado-maso ; Silas ne parle au téléphone qu’en latin. Il appelle un gros évêque sud-américain qui lui répond en latin aussi. La langue des méchants : personne ne la comprend plus sinon. Je suppose qu’on entend de la musique chorale qui gronde à chaque fois qu’on parle latin. Ce truc, qui aurait fait fureur dans les X-files, tombe un peu à plat ici. Vous souvenez-vous de cet épisode de la cinquième ou sixième saison ou un prêtre rouquin n’était autre que le diable (son ombre avait des cornes) ? Eh bien c’est un peu pareil ici : un X-file mais sans Mulder ni OVNI.

C’est bien là un des problèmes : on ne comprend pas ce qui fait courir les héros. Un «symbologue» de Harvard se met à enquêter sur un assassinat, parce que la petite fille du mort est venu le chercher ? On sent bien qu’il n’en a pas grand-chose à cirer, de cette enquête. Ce n’est pas sa chose ; comme on dit dans le jargon du bureau, il ne se l’est pas «appropriée». Alors il court un peu comme Tintin mais sans trop de conviction : de toute manière, tout le dénouement est écrit d’avance. Il annoncera à Sophine Neveu sa filiation mais quiconque aurait pu le faire. Il suffisait pour ainsi dire de lire le texte. Tout le film, d’ailleurs, respire ce genre d’adaptation page-par-page qui handicapait le second Harry Potter.

La foire aux clichés : du latin, de la banque privée et du Bwaa de Boologne

Mais la foire au clichés ne fait que commencer ! Et je passe sur les approximations qui font, par exemple, placer la rue Haxo dans un huitième fantasmé, et la renommer «rue DE Haxo». Les otages de la Commune de Paris, dont c’est l’anniversaire de l’exécution dans quelques jours, doivent se retourner dans leur tombe.

Par bonheur nous n’avons pas d’arme blanche dégainée qui fait schlink. Mais nous avons donc, comme je l’ai mentionné, des tonnes de personnages en soutane qui complotent en latin.

Autre cliché : le souvenir d’enfance filmé en DV, avec un grain gros comme une lentille beluga, et les couleurs d’une publicité pour des produits laitiers.

Autre cliché : le concile de Nicée : image de cinquante évêques en chape et mitre (pas du genre de celles qui se faisaient à l’époque mais passons) dans un hémicycle trois fois trop petit pour eux, en train d’argumenter avec véhémence. C'est-à-dire de se tenir debout, de crier et de faire des grands gestes en direction de la partie en face. Plus cliché que ça, il y a les paysannes françaises en bonnet de 1789 et en troupeau, qui brandissent des fourches et crient très fort, elles aussi.

Cliché suivant : la salle des coffres de la banque d’affaires. Mmmmpffff. Ron Howard devrait pourtant savoir.

Cliché suivant : c’est Constantin qui a tout machiné et tout déformé. Tant mieux, pour une fois on épargnera St Augustin. Car avant, tout le monde sait que le culte païen des romains n’était en fait qu’un culte monothéiste, à une divinité féminine. (Ben quoi ? Vous saviez pas ?) OK, OK, ce n’est pas un cliché pour l’homme de la rue ; mais allez parler à des cathos de gauche et vous serez surpris. C’est un cliché pour gens qui se piquent de culture et dont la phrase préférée est «d’ailleurs, les premiers chrétiens ne…»
Ceci dit, la déesse pré-constantinienne est représentée sous la forme d’un buste hideux et énorme de pierre grise, figurant une femme casquée. On ne regrette pas trop son abattage – et à peine le cliché suivant : des chrétiens qui massacrent les païens.

Eh, ça y est ! J’ai compris d’où venait cette impression ridicule dès qu’on touche à la religion ! c’est parce qu’on se dirait dans un livre de Michel Onfray. Je comprends mieux maintenant.

En fin de compte, le « prieuré de Sion » est constitué pour lutter contre l’imposture constantinienne, dont l’un des traits les plus marquants a été de fixer le canon du Nouveau Testament, donc d’en exclure les évangiles apocryphes (Baoum ! un gros cliché vient d’exploser à proximité) et de réécrire en mal tout ce qui concernait Marie-Madeleine. Et peu importe que ce soit l’une des saintes les plus vénérées du christianisme, malgré sa vie de débauche, Dan Brown raconte qu’on l’a qualifiée tardivement de prostituée pour le décrédibiliser car ce devait être elle, la vraie papesse.

Ah, j’oubliais. Le prieuré de Sion organise régulièrement des accouplements rituels pour préserver ou commémorer l’éternel féminin, je ne sais plus trop. Cliché : et voilà les prostituées sacrées babyloniennes. «Et d’ailleurs, les premiers chrétiens». Naaan, je blague.

Cliché suivant : en plein milieu de l’avenue Foch, nos héros tombent sur une grille. «What is this ?» «Le bwaa de Boolowgne.»

Prochainement : l'intrigue et le technique narrative : bancales

29/05/2006
z_igou@yahoo.com





1.Posté par platipus le 30/05/2006 15:04
il n'est pas tout à fait faux de dire que le canon scripturaire se fixât au IVe siècle et que l'on exclût alors les apocryphes. En fait ce processus de constitution du canon est entamé dès le IIe siècle, puisque Irénée témoigne d'un tel souci. De même Tertullien et Clémént d'Alexandrie, puis Origène, ont une conscience claire de ce que sont les Ecritures chrétiennes et de ce qu'elles ne sont pas. Ces deux derniers utilisent volontiers les apocryphes mais n'en ignorent pas la nature. A la même époque des listes existent, comme celle du "Canon de Muratori". Cependant un pas vers davantage de stabilisation est en effet franchi au IVe siècle (exemples bien connus de la Lettre festale 39 d'Athanase ainsi que de Sérapion et l' "Evangile de Pierre"). Il est également vrai que le canon ne se stabilise pas complètement alors: la plupart des églises orientales refusèrent-elles ainsi longtemps l'Apocalypse de Jean. Enfin, certains apocryphes, malgré leur exclusion du canon, continuent d'être lus et utilisés (voire d'être composés dans certains cas) par l'ensemble des chrétiens: le Protévangile de Jacques, le Transitus mariae, Les Actes de Pilate etc...

2.Posté par Nelly le 01/06/2006 19:43
Merci pour ces précisions. Je ne sous-entendais pas, en effet, que tout ce qu'avance le scénario du Da Vinci Code était faux. N'avale-t-on pas mieux la pilule si elle est vraisemblable, ou qu'elle semble reposer sur des faits indiscutables?

(Et puis bon, lire "le prophète" de Khalil Gibran en première lecture, comme je l'ai vu, ne fait que renouer symboliquement avec les pratiques des premiers chrétiens, ha ha ha!)

N'y a-t-il pas non plus quelques bribes de liturgie tout ce qu'il y a de plus canonique qui dérivent, au moyen âge encore, de certains apocryphes? Je crois me souvenir d'une histoire avec St Joseph et un rameau qui fleurit, notamment.

3.Posté par platipus le 02/06/2006 22:06
oh la la! la liturgie latine est remplie de ses allusions aux apocryphes (l'iconographie aussi). on ne finirait pas de les recenser. En effet le "Stirps jesse" de Fulbert de Chartres (c'est à cette pièce que vous pensiez?) utilise le Protévangile de Jacques autant que je me souvienne.

4.Posté par DragonXXX le 04/06/2007 00:17
Je suis un penseur libre anarchiste rebelle, mon mail est : penseurlibre@hotmail.com

Mon dossier RELIGION est une extermination totale et définitive. Les prêtres chrétiens m'ont fait juste cinq menaces de mort pour l'avoir écrit, en me manaçant de ne pas le publier sinon j'étais un homme mort....
NORMAL : CES PRÊTRES EFFÉMINÉS HOMOSEXUELS HABILLÉS EN FEMME DONT LA MOITIÉ SONT NU NU NU ( ça les excitent ) sous leurs soutanes, DES SADO MASOCHISTES PUR ET DUR = DES MALADES MENTAUX DE LA PIRE ESPÈCE
Résumé ?


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Mardi 24 Octobre 2006 - 00:00 Les fils de l'homme (recension de Nelly)

Dimanche 21 Janvier 2007 - 00:00 Apocalypto (recension de Nelly)

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