L'été 2001 de Nelly



Tourisme : Lundi 16 juillet 2001 – île de Porquerolles

L'été 2001 de Nelly
Magouilles à Toulon pour la location de voitures, puis journée sur l’île de Porquerolles. Nous y allons sur ce que P appelle un « promène couillons », en fait une sorte de vedette rapide. L’équipage (marseillais en bleu marine avec des crocodiles de partout) est presque plus nombreux que nous. Porquerolles-city est un petit village avec une grande place carrée et plein de restaurants. Nous nous arrêtons au Cigalou. Tagliatelles au St Jacques et foie gras, trou normand provençal, carpaccio de bœuf, etc. Arrosé d’un la Courtade, bon vin de l’île, un blanc sec avec une touche prononcée de réglisse. Je pense qu’il doit être difficile de s’en procurer sur le continent, mais le nom vaut la peine d’être retenu. (J’en ai revu dans un restaurant de Saverne ! note de 2003)
Achat d’un maillot de bain dans une boutique tenue par un papy hypocondriaque. Ce sera du Blanc Bleu, parce que le papy refuse de vendre des Quicksilver. Causette sur le dopage cycliste dans les années 50, ouf ouf ouf. Puis direction la plage d’Argent, au milieu d’un flot de touristes, et mini bronzette au milieu des écorces d’eucalyptus. Il fait un peu frisquet. Je ne fais rien pendant plus d’une heure, c’est un vrai plaisir. Autour de moi, les gens sont regardables, souvent beaux, pas tellement vulgaires : je pense que le prix de la traversée fait un filtrage assez efficace.
Il faudra que je revienne ici quelques jours pour faire le tour de l’île et voir à quoi cela ressemble le soir, une fois que le dernier bateau est parti.
Nous reprenons le « promène-couillons » sans nous sentir couillons du tout. Deux nanas insistent pour rester à l’arrière. Splash ! Elles abandonnent assez vite.
Le soir, déambulation sur le littoral aux Lecques. Là encore, la faune est relativement distringuée, y compris chez les nordiques des campings, y compris presque chez les jeunes cons à casquette. Le summum de la mode, dans cette catégorie sociale, semble être de porter une sacoche Lacoste en bandoulière. Ils l’ont tous, sans exception, ça fait sac à main, c’est ridicule.
Nous établissons nos quartiers sur une terrasse à la mode, sirotons des cocktails et regardons les gens passer en commentant. Comme je le disais, dans l’ensemble, ce n’est pas vilain. Le plaisir du farniente, encore. A un moment, une poignée de musiciens avec des survêtements argentés vient jouer devant nous ce qui ressemble furieusement à du Miles Davis période 70.
De retour à la villa, farniente sur la terrasse, puis matage d’une moitié d’ American Psycho. Il était temps que T sache qui est Patrick Bateman !
Au lit à deux heures.

Restaurant : La Cassolette, La Brigue (06)

Déjeuner à la Cassolette, égal à elle-même, et assez bon marché par les temps qui courent. Rouge de St Tropez potable.
Assiette Cassolette (saumon pas mal, foie gras bon, magret fumé remarquable, et tourte brigasque fort bonne aussi), puis tournedos de canard aux ravioles au foie gras et tarte Tatin. N’est-ce pas délicieusement décadent ? Causette des Castiau sur les cartes de crédit, qu’ils détestent cordialement. Une fois dehors, nous nous rendons à pied à Notre-Dame des Fontaines.

Tourisme : Sanctuaire de Notre-Dame des Fontaines, La Brigue (06)

L'été 2001 de Nelly
Il y a le soleil, le goudron, la digestion, la troupe traîne un peu, et nous arrivons au milieu d’une visite guidée pas inintéressante, mais la guide ne pénètre pas dans le message des fresques. Elle reste à la surface, nous montre des constructions en croix (le Christ aux outrages, fameux pour cela), des singes-enchainés-symboles-de-la-connaissance-purement-humaine, etc. Sur la grande fresque du jugement dernier, elle mentionne les quatre animaux sans même nous expliquer la tradition (pourtant universelle !) qui les associe aux quatre Evangélistes, ni la vision initiale d’Ezékiel ! En revanche, ce ne sont que points énergétiques, rivières souterraines (Chartres s’en voit dotée de sept !), axes, etc. Je ne réfute pas le fait que les lieux d’édification des églises aient eu quelques particularités, mais pourrait-on m’expliquer ce que « point énergétique » veut dire ? La vulgate « énergétique » envahit depuis dix petites années les discours des guides touristiques, qui ont une culture chrétienne anémiée, mais ne comprennent pas pour autant tous les « secrets » ô combien vulgarisés et rabâchés à l’envi des « bâtisseurs de cathédrales ». Est-ce bien raisonnable que de débiter sa petite leçon par cœur ? D’autant que s’ils construisaient près de l’eau, c’est qu’on a besoin d’eau sur un chantier, point.

Match made in hell : une soirée dans le 8ème avec un copain radin (Buddha Bar, Man Ray et Champs Elysées)

Ou : ne sortez pas avec Nelly, elle dira du mal de vous ensuite

Je rejoins * * rue Boissy d’Anglas (le président de la Convention thermidorienne, que l’on surnommait « Boissy famine » à une époque où les excédents agricoles européens n’existaient pas) et nous allons au Buddha Bar. Le lieu et l’ambiance sont indescriptibles ; il faut aller voir cela soi-même. Nous sommes assis sur des tabourets bas, autour d’une table éclairée seulement par une veilleuse-bougie. (« trouver dans ma vie ta présence » me viendrait à l’esprit si la sono ne diffusait pas une musique nettement meilleure). Autour de nous, d’autres tables ; le plafond est bas ; et toutes ces tables sont sur une mezzanine en sous-sol qui surplombe la salle de restaurant au second sous-sol. Il y a un énorme bouddha en bas, tout baigne dans une pénombre ocre renforcée par le vermillon sombre des murs.
*** est impressionné : s’il avait à « jouer le grand jeu » à une fille, c’est là qu’il l’emmènerait. « Merci, Nelly, de m’avoir fait découvrir ça. » *** peut bien me remercier : son voyage initiatique ne fait que commencer. Il me précise ensuite qu’il fait seulement la première fois le grand jeu du dîner aux chandelles et des choses chères ; après, s’il estime que la nana est prise dans ses rêts, elle se contentera de choses moins glorieuses. Autrement dit, *** n’irait pas au Buddha Bar pour se faire plaisir, ou passer du bon temps, ou frimer, mais parce que c’est utile : le dîner aux chandelles est un moyen pour lui, pas une fin. Voilà qui est peu romantique.
Ouvrons plutôt la carte. Cocktails à tout va, pas si terrifiants que ça (seulement quatre francs de plus qu’aux Lecques !) ***, néanmoins, est terrifié. Il veut un coca. 38 francs. Ah bon ? Y’a pas moins cher? Si, l’expresso, trente balles. Gloups, fait notre blond ami. Et de prendre le coca ; au moins le prix au centimètre cube est moins élevé.
Fidèle à ma nature pulsionnelle, je prends ce qui me plaît, sans regarder le prix. C’est à dire un assortiment de sashimi (pas extraordinaire) et un thé vert. *** ne veut pas goûter : tout ce qui est poisson cru, il en a beaucoup mangé, mais il n’aime pas du tout. Sic.
Je commande du saké (il est excellent). ***, paralysé par le prix, n’en prendra pas une goutte. Et je règle tout. *** a envie de dire un mot à la serveuse et me tape dix balles pour avoir un prétexte : le pourboire. That is so fucking disgraceful ! “Je te dois 50 francs”, me dit-il.
Exivimus. Les CINQ gorilles de l’entrée ont l’air énervé : il y aurait eu une petite baston cinq minutes auparavant. Nous remontons les champs. Un tour à Virgin. Rayon classique. Il n’aime pas le classique ; je m’en doutais. Me sermonne sur le gaspillage d’argent que représente l’achat d’un CD. Déjà dit. Puis me sort une vidéo, la montre triomphalement et me dit : il y a une chose que j’aime dans le classique, c’est ça !

« Ca », c’est André Rieu. Je flippe.

Nous repartons. Manque de bol pour lui, les casques à écoute grrrrratuite ne marchent pas. Dehors, je cause de son ex, qu’il va voir sans arrêt. « Une fois que tu vis à deux, dit-il, tu as vraiment du mal à supporter la solitude. Pour le moment, je n’ai pas de copine, alors je vais voir mon ex. » Si cela se trouve, c’est aussi la raison de ma présence ici : *** préfère plutôt moi que personne ? Le voilà qui disserte sur la solitude, qu’elle est insupportable, etc.
Nous passons alors devant un endroit que *** veut absolument voir, où « il y a une queue de plusieurs mètres et où ils ne laissent entrer que deux personnes par demi-heure ». Si c’est possible, il veut que nous y allions.
L’endroit si prisé s’appelle (ne riez pas) le « V.I.P. ». Il est par bonheur fermé en ce moment, ce qui m’évite d’avoir à rencontrer les pléthores de V.I.P. venus danser sur les Champs dans cette boîte-là. Après ça, le voilà qui veut essayer le Latina Café. Ma foi, ça a l’air mieux et pas si cher… mais ça n’ouvre qu’à minuit.
Passage sur l’autre rive des Champs, la faune commence à devenir vraiment dense. Un des rares endroits ouverts est un show-room Toyota. Sans aucune honte, *** rentre. Dans le showroom Toyota, il y a des voitures, que les gens qui n’ont pas les moyens peuvent palper, investir, en tourner le volant, ou tourner autour. Un gamin très moche, avec une paire d’yeux féroces, me regarde depuis le siège arrière d’un monospace. Brrr, le genre qui arrive au lycée un jour avec un flingue et descend tout ce qui bouge.
Exit Toyota pour se jeter dans … le showroom Renault, lui aussi ouvert à cette heure ! C’est plein de djeunz a casquette, et de prototypes qui sont à la beauté ce que Nike est aux Berluti. (les prototypes sont devenus depuis la Velsatis et l’Avantime, note de 2003).

Je désespère que le Café Armani soit à St Germain. Quitte à manger corporate, autant le faire chez une marque un peu reluisante. Je tolèrerais même l’idée d’un café Jaguar ou Ferrari (mais pas Porsche).
Et nous voilà donc rue Marbeuf. J’échappe à Haagen Dasz – à minuit, l’estomac aurait souffert. Et j’entraîne *** dans cette rue. Deux points de chute : le Man Ray ou le nouveau Nobu, un mélange de japonais et de « world cooking ». *** ne veut pas de Nobu, il n’a plus faim depuis qu’il m’a vu payer la note. Va pour le Man Ray. Nous revoici dans un décor à la Dorsia mais la musique est plus poum-poum tchack. Après avoir eu du mal à trouver une table, et un quart d’heure d’attente, *** a envie de partir. « Viens, on va chez Haagen Dasz ». Non non non, on est rentrés ici, on reste. La carte arrive ensuite ; c’est un petit rectangle plastifié. Dans un coin, on lit « tarifs du vendredi soir de 23 heures à la fermeture ». Et quels tarifs ! Eaux minérales, 50. Soft drinks, 50. Et cela va jusqu’au magnum de Cristal Roederer à 5000. Le cœur de *** doit battre à tout rompre. Nous commandons un coca tous les deux. Il n’en revient toujours pas. Il doit calculer le prix de la gorgée. Lorsqu’il ne boit pas, il groume : « 50 francs, c’est inouï ! Imagine ce qu’on pourrait acheter avec ! J’en reviens pas ! » Il vire au vinaigre. Je lui réponds que la règle de ce genre d’établissement et la fortune de ceux qui le fréquentent font qu’on y paye les choses bien plus cher que leur prix de revient. On n’est pas là seulement pour boire, mais pour s’amuser, pous socialiser, pour profiter de l’ambiance, pour danser, que sais-je ? Et donc cela ne se limite pas à un prix de revient. Il essaye toutefois de s’y ramener en estimant la surface, le coût des murs. Je crois rêver : on est dans un bar chic et branché de Paris, et monsieur calcule le prix au mètre carré pour s’assurer que 50% de son verre ne va pas directement dans la poche du proprio des lieux ! Mais, selon toute vraisemblance, c’est le cas ! Et on le sait avant d’entrer ! On dirait qu’il découvre tout.
Après quelques minutes de mauvaise humeur, il choisit de positiver : « merci Nelly, au moins je saurais que des lieux et des tarifs comme ça, ça existe ». Pour le moment, c’est Nelly qui déniaise ***, on dirait. Eh quoi ! S’il était allé en boîte aussi souvent qu’il le dit, il saurait que là aussi le prix des consommations n’a qu’un rapport très lointain avec le cours du litre de coca chez Auchan.
Un peu après minuit, la serveuse arrive et nous dit que la maison passe du fonctionnement « bar » au fonctionnement « boîte de nuit ». Et que, comme il y a beaucoup de monde debout, si d’aventure une personne commandait une bouteille, il se pourrait qu’elle nous demande de céder nos places. En gros, ceux qui payent le plus sont assis ; il y a une certaine logique, quoi que la perspective de se faire éjecter de son siège n’ait rien de réjouissant. Mais bon ; la serveuse nous avait prévenus, c’était donc de l’ordre de l’acceptable.
A ces mots, *** a bondi et s’est écrié : « comment ça ? Déjà vous nous faites payer des coca-cola à cinquante francs, et en plus il faut qu’on se lève ! » La serveuse a été prise au dépourvu, et moi donc ! Je cherchais un trou pour me cacher, j’étouffais de honte ; la serveuse a bredouillé que c’était comme ça que ça se passait ici.

Cinéma : Liberté-Oléron de Denis Podalydès

Liberté Oléron de D. Podalydès (un des loustics invisibles d’ André le magnifique). C’est l’histoire d’une famille de français moyens qui va en vacances à la mer. Le père s’emmerde, et finit par vouloir acheter un bateau. Scènes classiques, donc : déconvenue devant les prix, marchand de bateaux margoulin qui méprise les parisiens, père qui apprend la plaisance dans les livres. Et une scène géniale où il déjeune dans une crêperie et trouve tout trop cher. Après ce sont les sorties en mer, qui virent graduellement à la catastrophe. On rit assez volontiers.

Film : Massacre à la tonçonneuse, de Tobe Hooper

L'été 2001 de Nelly
Je regarde Massacre à la tronçonneuse. Ce film est énervant : tout en étant redoutablement malsain (je ne crois pas connaître pire), il est d’une lourdeur incroyable. Il y a la volonté de faire un film d’horreur, et c’est réussi au delà de ce que l’on espérait. Mais le réalisateur a accumulé les effets de style, et tant voulu faire macabre que ça en devient ridicule, voire débile : la scène du dîner avec l’ancêtre est plus proche de la Famille Addams que de Freddy ! Quant à la bande son, c’est vrombisement, de tronçonneuse, hurlements hystériques, et musique concrète. Mes pauvres oreilles !
Dans un interview, ledit réalisateur explique qu’il a voulu faire ceci et cela, mais on se demande s’il contrôlait vraiment tout. Depuis, Tobe Hooper n’a jamais réussi à refaire aussi bien.

Série Hallmark : le Dixième Royaume

Le dixième royaume, premier épisode. Une gentille fantaisie « familiale » sans niaiserie. Bon, grosso modo il y a neuf royaumes peuplés de personnages de contes de fées, qui communiquent avec le dixième royaume : Central Park. Une méchante reine veut se venger du prince charmant du jour (un descendant de Blanche-Neige), envoie des trolls à sa poursuite, etc. Le prince charmant est transformé en chien (le toutou le plus propre et le plus sain qu’on n’ait jamais vu à la télé), etc, etc. Ca se boit sans soif.

DVD : Le Silence des Agneaux, de Jonathan Demme

Le silence des agneaux. Eh bien, il n’a pas très bien vieilli, ce film. Il y a certes des scènes d’anthologie, qui restent d’anthologie… mais comparé aux films qui sont sortis après sur le même thème, et tout spécialement Seven, le lence des agneauxessemble plus à un épisode de série américaine un peu rallongé. Il y a des effets de style trop communs, et le film montre trop, et trop de clichés, y compris l’inévitable cadavre dans une baignoire dans le repaire du tueur.
Quant à cette chère vieille C (ma prof de français en prépa, NdA) , qui y avait vu des références faustiennes, elle s’est complètement plantée ! Certes les papillons indiquent le changement, etc, (mais un serial killer qui place des cocons de papillons dans la bouche de ses victimes, est-ce réaliste ? David Fincher aurait-il filmé cela ?), mais les fameux anagrames du Dr Lecter, qui, dans la version française, prénommaient le meurtier « Faust » l’appellent « Louis » dans la VO. Et cette chère C, toute cachée derrière son siège qu’elle était, n’a même pas vu que sa référence faustienne avait été inventée par les doubleurs, pour les besoins de la version française !
Enfin bon, tout est un peu gros dans le Silence. Alors que Seven… on veut y croire !

Voyage : Rio de Janeiro – août 2001

Mon premier contact avec Rio de Janeiro consiste à descendre du septième étage de l’Ipanema Plaza et de me promener, après le petit déjeuner, sur la plage. Et d’observer les Brésiliens, ou plutôt les Cariocas, puisque Rio n’est, paraît-il, pas représentative. Le Carioca, de ce que j’en ai vu, va plutôt dévêtu – certains se contentent d’un maillot de bain, et ce n’est pas perçu comme de la provoc. Il semble difficile ici, tant tout est postable, d’avoir une tenue provocante. C’est la décomplexion à son apogée : on peut mettre n’importe quoi, tout est normal. Et lorsque le local ne va pas en simple maillot de bain, il aura un petit faible pour les habits serrés : le Carioca passe pour aimer mettre son corps en valeur, même s’il est moche. J’ai ainsi vu quelques grosses boudinées dans des habits trop petits, pas gênées du tout.
Le culte du corps, cela veut aussi dire le sport (la moitié de la promenade du front de mer, à Ipanema comme à Copacabana est réservée aux piétons, qui courent très souvent, ou comme ces petits vieux aussi bronzés que poilus, marchent à toute vitesse.) Et les salles de musculation, et une absence de cigarettes (s’il fume, c’est un touriste), et la légende comme quoi le Carioca peut aller prendre jusqu’à quatre douches dans la journée. Les Français ont ici comme ailleurs la réputation d’être sales.
Les « brésiliennes » sont très en dessous de leur réputation. Ce ne sont pas des hordes de grosses fesses en string, loin de là, et il y a autant de belles femmes qu’ailleurs, c’est à dire pas tant que ça. En revanche, le mâle bien foutu prolifère. Le fruit d’années d’efforts, sans doute.
Les rues ne sont pas des plus nettes, les trottoirs sont gondolés ; il y a des feuilles de ce qui semblent bien des lauriers géants. Architecturalement, le seul genre d’édifice est la tour d’une dizaine d’étages ou plus, des années 70. La plage est donc bordée de centaines d’édifices de ce genre, et les rues d’Ipanema aussi. On déambule donc entre des murs de béton, et une fois dans la ville, entre les arbres et les tours : à l’ombre. On voit peu le ciel.
Ipanema, avec des airs un peu cracra, est néanmoins le quartier riche et trendy ; les immeubles sont entourés de grilles, et parfois les ouvertures du premier étage aussi. Il n’est pas rare que les premiers étages d’un immeuble soient occupés par des parkings.
Copacabana semble plus tourné vers le tourisme et les hotels de luxe. Si Ipamena rappelle de loin Biarritz, Copacabana a une touche niçoise. A condition de faire abstraction du relief voisin, le pain de sucre (Pao de acucar) en tout premier lieu.
Je retourne par l’intérieur, et passe devant un « edificio égalité » et un « edificio Marcel Proust ».

Restaurant : le plus mauvais japonais du monde est à Paris !

Dîner chez le japonais de Vélizy. Cela sent le bâclé, les morceaux sont trop gros et certains poissons ne sont pas super-frais. Le comble a été atteint lorsqu’un cafard de trois centimètres s’est offert à mes regards sur le bar durant plus de cinq minutes – plus qu’il ne m’en fallait pour réclamer l’addition et foutre mon camp. La bestiole m’a regardé insolemment jusqu’au bout – et je n’aime pas les restaurants où les cafards sont arrogants.
J’ai pour cela laissé deux brochettes patibulaires en plan. Peut-être que cet insecte a été providentiel et m’a évité un empoisonnement ?

Voyage : Rio de Janeiro (septembre 2001)

Le repas d’aujourd’hui : salade au foie gras, filet de sole, fromages et sablé aux figues, le tout arrosé d’un Pouilly-Fuissé. Pas mal pour un Airbus A 340. Je suis en effet en route pour Rio, sur le parallèle du détroit de Gibraltar, au-dessus de l’Atlantique. Les quelques cumulus que je vois en bas projettent leur ombre sur la mer qui semble comme une toile figée. Comme souvent en avion, lorsqu’il y a un paysage à voir, le paysage est très beau. Un peu avant nous sommes passés entre St Jacques de Compostelle et Vigo (les chanons médiévales de pélerins de St Jacques, évoquant Vigo à longueur de strophe, et que j’ai quelque part sur un CD, prennent un autre relief) ; et avant encore au-dessus d’une île au large de St Nazaire. Est-ce Groix, Ré, ou même Oléron ? Il faudra que je regarde.

Le 11 Septembre 2001 et le forum catholique

Je n’ai pas encore évoqué les événements terribles du mardi 11 septembre, puisque je ne sais toujours pas pourquoi ces deux tours sont allées se jeter contre des avions de ligne. Mentionnons toutefois que la veille, j’ai fait l’A/R Paris-Londres et que je l’ai eu prémonitoire, puisque j’ai rêvé la nuit précédent le 11 d’un crash aérien. Sans doute en raison de l’atterrissage à Paris du 10 au soir, qui a été particulièrement sportif ; le pilote a réussi à faire rebondir l’avion deux fois avant de plaquer l’avant sur la piste – tout cela après une descente qui n’a pas laissée une seule oreille débouchée. Le genre « déjà Roissy ? Freinons, sinon on va rater la sortie ! »
J’ai appris les nouvelles au bureau, et j’ai passé une grande partie de la soirée, et de la matinée du lendemain scotché devant CNN, fasciné par des images impressionantes d’avion qui s’écrase contre l’une des twins, et essayant d’évaluer les contrecoups de ce qui est comme un électrochoc et un événement capital des dix prochaines années au moins.
L’impression que j’en retire, ce n’est pas que tout cela est triste à en pleurer – ça l’est – mais que je me suis senti américain. L’attentat contre les twins et contre le Pentagone me touche et me choque au delà de ce que j’aurai pensé ; et je crois que j’ai en partie réagi comme si j’étais un New Yorkais : j’étais groggy.
L’autre impression qui reste, c’est l’admiration devant le comportement des New-Yorkais. Je lis que l’on s’est rué pour donner de l’argent, du sang, prêter main forte. On affiche une solidarité, une dignité, un courage qui font plaisir à voir. Un mauvais esprit, sur le forum de XA, écrivait : « aux USA, on se rue pour donner son sang, en Europe on se rue pour dévaliser les supermarchés. » Il n’a pas tout à fait tort, et de ce côté-ci de l’Atlantique, les commentaires ont repris leur tour normal. Les cathos-fachos du Forum sont souvent d’une abjection que je ne supporte pas. ***, pourtant toujours modéré, a torché un article où, après une phrase de compassion pour les victimes, il dit que les US ont eu la monnaie de leur pièce, qu’ils ont récolté la tempête après avoir semé le vent, etc. Ecoeurant, scandaleux, indignant : cinq mille personnes meurent sous les yeux des caméras ou presque, et le soir un petit tradi versaillais vient dire que tout un pays l’a bien cherché !
Par bonheur, il y a des américanophiles sur le forum, et aussi des gens qui ont des amis et des parents là-bas, et qui savent manipuler des concepts un peu moins cons que celui de « responsabilité de groupe ». Un grand favori des cathos, en effet, cette tendance néfaste à considérer systématiquement une nation comme douée d’une personne propre. Les USA ont fait ceci, les USA pensent cela. La responsabilité collective, voilà une belle imposture – des sophistes nous sortent encore que tout « le pays » (ie les 250 millions de citoyens) sont co-responsables, puisqu’ils ont élu le gouvernement qui aurait irrité les arabes, etc.
La réalité, c’est qu’il n’y a parfois pas de responsabilité du tout ; et que toutes les autres fois, la responsabilité est toujours infiniment plus petite que les actes dont elle est censée rendre compte.
Un catho plus intégroide que les autres affirme que les US payent pour leur soutien à l’avortement. Le gars ne fait pas dans la dentelle, puisqu’il confond sans doute l’ONU et les US – et qu’il oublie au passage que les Etats-Unis est le pays occidental où l’opposition à l’avortement est la plus forte, au point que le président Bush a coupé récemment quelques robinets de financement public pour ce genre de choses… et que probablement Al Gore, sous la pression de son vice-président Liebermann, aurait envisagé la même chose.
Ensuite on ressort Nostradamus, toujours très fortiche pour prédier les choses une fois qu’elles se sont passées – et les sites eschatologiques s’en donnent à cœur joie : j’ai lu des commentaires de l’Apocalypse, l’annonce du dernier avènement du Christ, et tout ce qui s’ensuit. Pour ces commentateurs, les milliers de morts injustes du WTC ne sont plus qu’une statistique au profit de leurs élucubrations.

Messe : Port-Marly.

Dimanche, déjeuner avec Jean Cyrille à l’Alcazar (guacamole-mozzarella, steak tartare, tarte au citron tb, le tout avec un cru bourgeois correct, moins de 200 balles au total). Avant cela, messe à Port-Marly. Si les Grici sont des fana dentelles, il n’y a pas là-bas l’ambiance de camp retranchée qui est perceptible à ND des Armées. Et, bien plus surprenant, moins de la moitié des scouts présents en grand nombre portaient des rangers, ou affichaient un look de grosse brute militaire. Tradi, oui, mais raffiné.
Il y avait dans le chœur une altesse royale de Bourbon-Bragance, chef de la maison du Brésil (quelle coïncidence) ; les enfants de chœur étaient stylés, bref tout était bien sans trop de manifestation d’identitarisme. Heureuse surprise.

Livre : José Mauro de Vasconcelos, Mon Bel Oranger

J’ai relu dans l’avion Mon bel oranger, de Jose Mauro de Vasconcelos, qui est un livre célèbre ici, et que j’avais lu en CM2, si ma mémoire est bonne. J’en avais gardé le souvenir d’un livre anormalement triste pour le CM2, d’une collection d’anecdotes franchement lacrymogènes. En gros, l’histoire d’un gamin qui se fait battre et à qui il n’arrive que des malheurs. J’étais passé à côté du sens du roman, bien entendu, où il s’agissait de raconter la découverte de la douleur par ce garçon. Un roman initiatique ; son originalité étant que le protagniste principal n’a que six ans.
Mon bel oranger, version 2001 se lit très agréablement, et reste toujours émouvant. Ce qui est remarquable, c’est que l’endroit où cela se passe (Bangu, un faubourg de Rio), et la route Rio- Sao Paulo souvent évoquée sont sur mon itinéraire quotidien de l’hôtel vers l’usine de ***. Si on m’avais dit, en 1983, que j’irai un jour sur les lieux de Mon bel oranger, je ne l’aurais pas cru.
Mon bel oranger a été un bon prétexte pour causer avec F, qui affecte de croire que le parisien que je suis voit Rio comme une ville peuplée de dealers armés et mal intentionnés. Ce qui ne l’empêche pas de me vanter Barra da Tijuca comme un endroit à voir. Un peu comme si Vélizy, transporté près d’une plage, présentait de l’intérêt. J’exagère un peu, tout de même.
Mercredi soir, chauffeur de taxi très causant, mais veut me faire payer trois fois le prix de la course ordinaire ! Je me rebiffe, et obtient de réduire le tarif à un peu moins de deux fois. Le fait que la voiture soit propre et climatisée justifiera le surplus. « Francés ? Aaah, coupe du monde ! Brrrravo ! », voilà la phrase qui fait tomber dans les rêts des taxis truands.
26 mails m’attendent à l’hôtel. Puis une bonne douche et au lit.


Rio de Janeiro, suite

L'été 2001 de Nelly
Le lendemain, le traffic n’est pas au mieux. On m’explique qu’il y a eu une favela sous la linha vermelha (la ligne rouge, une autoroute urbaine) qui a brulé il y a quelques temps, et le feu a endommagé la route. Traffic coupé, tout doit passer par l’ Avenida Brazil, sorte de 2x4voies avec contre allées immenses, sur laquelle se trouve d’ailleurs ***, au 22000 et quelques. L’ Avenida Brazil fait plus de 40 kilomètres et traverse des quartiers modestes, qui ne sont pas des favelas (il y a des rues, c’est plat) mais dans lequel aucun européen n’accepterait d’habiter. Certaines maisons sont en parpaings rouges sans crépi ou badigeon, et ont une allure de perpétuel inachèvement. Les quartiers s’appellent successivement Bonsuccesso, Penha, Bangu, Guadalupe et je dois en oublier. Ce que notre métier nous apprend, c’est qu’il y a des médecins là-dedans… et des visiteurs médicaux qui vont les visiter.
Les dix voies de front de l’Avenida Brazil n’empêchent pas certains courageux de la traverser à pied, ni des bus de rouler sur le terre-plein herbeux pour rentrer de la contre-allée sur l’autoroute (même pour un Carioca, la manœuvre est à la limite du bon goût), ni des charettes tirées par des mulets de rouler sur la file la plus lente. Ni d’ailleurs ces mulets de paître sur les terre-pleins, mais cela se voit assez rarement. N’allez pas croire que Rio est pleine de chevaux. C’était peut-être le cas il y a trente ans ; les seuls que j’ai vus étaient dans les quartiers pauvres.
Nous déjeunons donc à l’extérieur, dans un repaire de truands armés et drogués (Flavia dixit), en fait dans un restaurant à churrasco très correct. (Il semble difficile de mal manger ici, au demeurant). Le churrasco est assez prisé des locaux : en gros, vous avez des petits plats de tout ce qui est légume (betterave, bananes flambées, cœurs de palmiers, farofa, riz), et des garçons viennent vous découper des tranches de viande sur des broches. Il y a de tout, saucisse, agneau, mouton, cœur de poulet, bœuf, fromage fondu, et à volonté ! Prix du gueuleton : 28 reais, ce qui fait un peu moins de cent francs, boissons comprises.
Le restaurant le plus couru en matière de churrasco s’appelle le Porcao. C’est une chaîne qui s’étend maintenant au Portugal. Un repas au Porcao ne coute pas plus de 150 balles ; on en sort repu, mais cela représente une semaine de salaire d’une ouvrière de ***.
La cantine de ***, au demeurant, est ouverte presque toute la journée ; on y entre avec son badge et on prend autant qu’on veut ; il n’y a pas de caisse, pas de contrôle – les employés peuvent donc y manger à leur faim des choses tout à fait correctes mais pas très variées. On y sert une forme bâtarde de feijoada tous les jours. La feijoada est un plat à base de haricots noirs, de riz, et de tout ce qu’on peut y mettre. Comme tous les plats populaire, il a une origine modeste : c’était ce que mangeaient les esclaves, des restes de la table de leur maître. J’imagine qu’à la favela chic, au Faubourg du Temple, on mange des feijoadas à plus de cent balles ; ici, c’est le plat de base. La tradition est d’en servir dans les familles le samedi. Le mardi, c’est ravioli, et le samedi, ici, c’est feijoada.
Le soir, L raccompagne JM à l’aéroport, puis me raccompagne dans un traffic infernal jusqu’à chez lui, à Flamengo. Bonne occasion pour parler des clubs de futebol de Rio ; les quatre plus grands sont Flamengo, Fluminense, Botafogo et Vasco de Gama. Ils sont tous situés dans le centre sud, des quartiers de bourgeoisie moyenne voire aisée. Nous sommes passés devant le club de Fluminense : le plus bel édifice de la rue, avec des gamins relativement BCBG pour les standards locaux qui entraient et sortaient. Rio est la seule ville que je connaisse ou un club de foot elit domicile dans un palais.
Leo m’a aussi appris une maxime selon laquelle pour voyager il suffisait de compter jusqu’à dix en levant le bras : à dix, un taxi vide s’était arrêté pour vous prendre. C’est très près de la réalité : on dirait parfois que Rio est pleine de taxis vides dont le seul but est d’être vide toute la journée pour se trouver là ou on en a besoin. Il est, par exemple, plus long de demander à la réception de l’hôtel de vous en commander un ; il suffit de sortir, et une minute plus tard, vous êtes en route.
Hier, journée semblable à la précédente, avec retour grâce à Leo. Nous passons près du « sambodrome » : c’est l’endroit où se déroule le carnaval, une sorte de rue sans issue bordée de gradins immenses toute l’année sur plus d’un kilomètre.
Si le nord (zona norte) de Rio est pauvre, le centre, près du port, ressemble à ce que je crois être Manhattan. Au milieu de rares édifices baroques, des églises pour la plupart, des tas de gratte-ciels. Une autoroute au-dessus de tout cela pour faire bonne figure. Les quartiers au sud du centre (Flamengo, puis Copacabana et le reste) s’ils sont uniquement peuplés d’immeubles, ne dépassent pas les quinze étages. Ils sont pour beaucoup dans l’ambiance du sud de Rio : des rues étroites, encaissées entre des rangées de tours, avec des arbres exotiques, des sortes de lauriers géants dirait-on.

Livre : Plateforme, de Michel Houellebecq

Ma lecture des derniers jours a été Plateforme de Michel Hoellebecq. Attiré, je le confesse, par la rumeur autour de l’incorrection politique du livre. J’ai bien été servi, et la première impression que j’en ai tirée, c’est que *** est un personnage de Houellebecq qui s’ignore. En gros c’est l’histoire d’un fonctionnaire de la culture qui fait des voyages organisés, et assiste d’après une de ses suggestions, au développement du premier tour-operator de tourisme sexuel. Il y a dans ce livre des citations en pagaille, beaucoup d’irrévérence et un regard froid sur la culture d’entreprise actuelle. Les héros n’ont pas de situation matrimoniale nette, une énorme envie de baiser et rien pour l’assouvir, en somme ; une vie professionnelle qui envahit la vie privée, et des défauts qui sont présentés sans les précautions d’usage. Le personnage principal a des haines farouches de personnages réels. Jacques Mailhot est traité sans « avertissement au lecteur » de « catho de gauche démagogue à la con», et les auteurs du guide du routard de « connards humanitaires protestants ». C’est le personnage qui le dit, et les attaques ad hominem sont d’autant plus percutantes que les travers raillés sont bien repérés, notamment (pour le Routard) la recherche d’ « authentique » et la fuite des coins touristiques, dans un livre qui s’adresse aux touristes.
Les religions sont malmenées aussi ; on a entendu à la télé ce qui était dit sur l’islam ; et si le catholicisme est épargné, c’est par sa capacité à avoir su reconstituer un authentique polythéisme avec le culte des saints… Le livre de Houellebecq pourra effaroucher certains, notamment dans des passages sexuels gratinés, mais il colle assez à la situation du jour, il est divertissant et captivant ; il ne manque pas d’humour, il flattera même certaines idées secrètes. A mon avis, l’auteur est bon, et à surveiller à l’avenir.

Livre : Lui, de Patrick Besson

Un autre brulot récemment lu, c’est Lui, de Patrick Besson. Un vague gauchiste découvre qu’il est la réincarnation d’Hitler. Besson n’a qu’un objectif avoué : la provocation. Il entreprend de montrer, à travers les yeux d’Hitler réincarné, comment celui-ci n’était pas si méchant, comment ses projets de société se sont réalisés, et pourquoi ils sont bénéfiques. A lire en imaginant les réactions des dames catéchistes de votre enfance.

14/09/2003
Nelly




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