La puissance de la prière (exégèse de Marc, 11:24)


« Tout ce que vous demanderez dans la prière, en mon Nom, croyez que vous l’avez déjà reçu, et cela vous arrivera » (Marc, 11:24).



La puissance de la prière (exégèse de Marc, 11:24)
Je diffuse un court extrait d’une conférence de Frank-Duquesne consacrée à la prière. Elle a été prononcée en 1952 à l’Abbaye de la Cambre. Je compte la publier prochainement dans son intégralité. L’auteur propose une exégèse très intéressante de Marc 11,24, qui s’appuie sur les manuscrits grecs les plus anciens. Dans ce verset, qui associe le passé et le futur, est posé un des problèmes les plus complexes de la théologie : celui du rapport entre l'éternité et le temps. Il est à noter que la traduction de Frank-Duquesne, originale à l'époque, est conforme, à quelques nuances près, à celle que l'on trouve dans les éditions de la Bible les plus utilisées aujourd'hui (la Segond, la Bible de Jérusalem).

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Vous connaissez cette antienne de Communion que la liturgie catholique reprend, tous les dimanches de Novembre, à l’Évangile selon saint Marc : «Tout ce que vous demanderez dans la prière, en mon Nom, croyez que vous le recevrez, et cela vous sera donné». Tel est le texte de la Vulgate (propterea dico vobis omnia quaecumque orantes petitis credite quia accipietis et veniet vobis). Telle aussi la traduction de Crampon. Une fois de plus, comme c’est si souvent le cas, la compréhension d’un «Christianisme» raisonnable a mené au faux exégétique. La Bible de Lille rend le grec honnêtement. Je vous le traduis à mon tour : «Tout ce que vous demanderez dans la prière en mon Nom, croyez que vous l’avez déjà reçu, et cela vous arrivera». Il y a là deux conditions de réussite : 1) il faut prier «dans le Nom de Jésus» ; 2) il faut avoir l’assurance qu’on est déjà exaucé. Alors, on ne «reçoit» pas ce qu’on a demandé, pas plus que cela ne nous est «donné». Mais cela nous «arrive» : εσται, cela «sera» pour vous, tout bonnement.

Qu’est-ce que prier «dans le Nom de Jésus» ? Rappelons-nous, d’abord, ce que Pierre, «rempli de l’Esprit-Saint», atteste solennellement devant le Sanhédrin juif : «Il n’y a point d’autre nom sous le ciel, qui soit donné parmi les hommes, par lequel il nous faille être sauvés». Aucun nom d’homme, aucun nom de femme. Aucun. Rien que celui de Jésus. Celui-là seul. Le drame d’anéantissement et de résurrection, saint Paul le voit aboutir à la proclamation de ce Nom, qui est Seigneur, Souverain messianique, Maître du ciel et de la terre. Il s’agit ici de la seigneurie suprême du Ressuscité. Quant à la formule «dans le Nom», elle est du même ordre que d’autres expressions pauliniennes : dans le Christ Jésus, dans le Saint-Esprit, etc. Elle indique une immanence réciproque, une intimité comme celle de la mère et de l’enfant qu’elle porte dans ses flancs. C’était une idée courante chez les Juifs que l’abri trouvé par le fidèle au creux de Yahweh, ce Rocher. Pour prier, le Christ veut donc que nous soyons en Lui, revêtus et recouverts de Lui, que nous nous présentions à Dieu comme Jésus-Christ Lui-même, tout enveloppés dans cette chair sacrificielle, qu’Il a trempée de son précieux Sang.
Si nous prions de la sorte, il faut – seconde condition – croire, c’est-à-dire non pas putare, mais credere, non pas estimer ou juger, mais savoir avec une inébranlable assurance que ce que nous demandons, nous le possédons déjà. Cela nous attend dans la coulisse, c’est tout prêt, et cela n’a plus qu’à nous apparaître, à se faire voir : cela sera pour vous. Une étrange pudeur rationaliste a paralysé les copistes du Nouveau Testament : si Dieu doit encore exaucer la prière, si ce que je demande sera, au futur, comment puis-je croire que je l’ai déjà reçu ? Tous les manuscrits anciens portent cependant ἐλάβετε, à l’aoriste (vous l’avez reçu, au «parfait» : c’est chose faite). Quelques siècles plus tard, apparaît une version plus «raisonnable» : λαμβάνετε, au présent (vous le recevez à la minute, à l’instant même : aussitôt dit, aussitôt fait, alors que tout à l’heure, vous étiez exaucé avant même votre prière). Enfin, plus tardivement encore, la version qui triomphe est au futur (vous recevrez, ultérieurement, quand votre tour dans la file arrivera). Les nœuds du temps et de l’éternité, la perspective des exemplaires divins et célestes des réalités et des événements créaturels et terrestres – cette notion fondamentale de l’Épître aux Hébreux, qui fonde sur elle toutes ces allusions à l’Eucharistie : tout cela manque aux très curieux «traducteurs» du quidquid orantes petitis. Un esprit honnête comme Alexis Carel avait pourtant remarqué, alors même qu’il poursuivait sa pensée en dehors de la foi chrétienne : «Un organe est produit par des cellules qui semblent connaître l’édifice futur». Il n’y a de cause véritable que finale. Les sciences biologiques n’aboutissent-elles pas de plus en plus à des conclusions finalistes ? Combien mieux encore le croyant conclut-il, non pas du visible à l’invisible, mais de l’invisible au visible, de la divine Parole aux réalités ombraculaires de ce monde.

06/04/2015
Sombreval





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