Le portrait de Marthe Robin (Jean Guitton)



Le portrait de Marthe Robin (Jean Guitton)
Le portrait de Marthe Robin est un des ouvrages les plus profonds de Jean Guitton. Née le 13 mars 1902, dans un village de la Drôme, Marthe Robin est morte le 6 février 1981, dans la maison paternelle qu’elle n’avait jamais quittée. Cette femme simple et humble de la campagne a vécu près de cinquante ans paralysée dans son lit, ne se nourrissant que de la sainte hostie. Chaque vendredi, elle revivait la passion du Christ, manifestée par toute une série de phénomènes extraordinaires (plaies, traces de coups, sueur de sang). Marthe Robin vivait intérieurement le mystère de le la Croix du Christ. Elle a épousé chaque jour les ténèbres de la Passion dont beaucoup de chrétiens à son époque cherchaient à occulter la réalité effrayante. Elle l’a soufferte au-delà du dicible depuis son offrande de victime d’amour en 1925. Elle était une de ces mystiques destinées à affronter le drame du salut. Elle y faisait face avec obstination, sans jamais reculer, même lorsqu’elle était assaillie par la douleur la plus cruelle, celle de l’abandon, de la déréliction, de la Nuit Obscure, dont elle pressentait la dimension salvifique : «L’existence, écrit Jean Guitton, nous propose un choix entre la vie et la mort. L’homme a péché. Mais il existe une loi de substitution qui permet que l’innocent rachète le pécheur […] Elle se tenait aux portes de l’enfer pour que l’enfer soit vide. Elle imaginait que c’était là son office principal, sa tâche, son métier». Huysmans n’aurait pas désavoué le langage employé par le philosophe pour dépeindre cet être supplicié, «cloué à la douleur» comme elle le disait elle-même. Elle avait une conscience aiguë de la solidarité entre les êtres, de la communion des purs et des impurs. Il est significatif que Jean Guitton adopte une lecture traditionnelle de l’Epître aux Hébreux, texte où le vocabulaire sacrificiel abonde, pour décrire l’expérience mystique de Marthe Robin :

«Marthe disait que les souffrances d’ordre physique ne pouvaient se comparer à sa souffrance d’ordre moral. Elle avait l’impression d’être réprouvée. Elle était désolée, au sens le plus fort de ce mot. Elle participait à la grande ténèbre. Elle se croyait rejetée. L’épître aux Hébreux, qui est une méditation sur la Passion, dit que le Christ s’est fait péché, et qu’il a pris sur lui non la culpabilité mais la peine des péchés. Marthe se sentait "devenue péché". Baudelaire, parmi les modernes, est peut-être celui qui a exprimé de manière la plus intime l’impression d’être habité par le dégoût […] Cette impression de péché était ce qu’il y avait de plus pénible dans son épreuve du vendredi. Et comme elle pensait que le malheur du XXe siècle était la séparation qu’avait faite l’humanité d’avec Dieu (sorte d’enfer sur terre) elle pensait qu’en éprouvant cette impression de déréliction et de condamnation elle représentait l’humanité entière, en ce XXe siècle à son déclin».

Marthe Robin voulait absorber l’impureté du monde pour l’en délivrer. Comme sainte Thérèse de Lisieux, elle s’est offerte en holocauste sur l’autel du monde. Le terme Holocauste (du grec : «brûler tout entier») est une traduction du terme hébreu olah qui signifie «ce qui est offert en sacrifice». Dans l’holocauste la créature est entièrement consumée ; elle est comme vidée de son sang. C’est dans l’holocauste que peut se réaliser la plus parfaite donation de soi-même. Jean Guitton dit de Marthe Robin qu’elle était plongée dans le mystère du sang. Le philosophe cherche la confirmation de ses intuitions dans des domaines relevant de la science pure. Mais c’est Joseph de Maistre, sans doute, qui a projeté les lumières les plus pénétrantes sur ce mystère. L’innocent qui souffre, écrit-il, expie pour le coupable et «de même que Jésus-Christ a donné sa vie innocente pour racheter les péchés du monde, la victime innocente donne son sang pour le coupable». La force régénératrice du sang ne doit pas être comprise de façon naturaliste mais toujours en référence au Sacrifice sanglant du Christ. Pour Maistre, le sang est le support organique d’une réalité d’ordre spirituel. Observer le corps même de Marthe Robin revenait à contempler ce mystère infini. Il existe un symbolisme du corps humain. Le corps disait Maurice Zundel est «un carrefour de symboles, un nœud de significations où les plus hautes réalités se peuvent faire jour». Le sang qui chaque jeudi soir suintait de ses plaies, de ses côtes et de ses yeux pouvait être perçu par le regard contemplatif comme le signe symbolique d’une réalité surnaturelle. Ce qui se passe ici-bas reflète phénoménalement les réalités du monde invisible. Toute la force et la valeur du martyre de celles que Louis Massignon appelait les «compatientes mystiques» vient de la vie très précieuse sacrifiée par le Christ.
Le symbole requiert de nous, toujours, une conversion du regard spirituel : «Il nous convie, écrit jean Borella dans La crise du symbolisme religieux, à rompre avec la conscience ordinaire qui ne perçoit que l’extériorité séparative d’une entité corporelle pour nous faire entrer dans la relation interne qui la relie à son archétype» (en l’occurrence le sang rédempteur de Celui qui a tout assumé). Le symbole est un signe dont la fonction est de faire connaître, au moyen d’une forme visible une réalité invisible. Il est un signe aussi parce que sa signification doit être déchiffrée. Un corps blême, étendu et saignant, pareil à une hostie, voilà ce que Marthe Robin offrait au regard de ses visiteurs. Il fallait, comme le note Jean Guitton, chercher sous l’écorce barbare le sens intérieur, le mystère sous les apparences sensibles.
En écrivant sur Marthe Robin, Jean Guitton a pris conscience de l’importance de la question du sacrifice qui heurte tellement la conscience moderne, et de la nécessité de la soumettre à une réflexion approfondie. C’est pourquoi son portrait contient de longs développements sur ce thème majeur :

«A mes yeux, le sacrifice du sang est coloré par une mentalité grossière, par une biologie primitive. Mais c’est aller bien vite que de s’en tenir à cet aspect superficiel. Sous les mentalités, je me suis toujours efforcé de chercher l’esprit […] Plus personne ne songerait à faire du sang l’élément substantiel de notre être, porteur et signe de la vie […] Plus personne ne lie plus le don du sang à l’alliance éternelle. Personne n’admet plus que la séparation radicale du corps et du sang chez le bouc, le taureau ou l’agneau sans tache puisse purifier la conscience humaine. Les chrétiens savent qu’à l’immolation stérile des victimes animales innombrables s’est substituée l’immolation unique et efficace du fils de Dieu : le corps et le sang ont été mystérieusement sublimés dans le rite eucharistique […] Je cherche pour ma part à discerner, par une analyse faite en profondeur, quel est l’esprit qui se voile sous ces mentalités. Et je réponds que c’est l’esprit le plus profond et le plus pur, le plus abyssal, le plus nucléaire, de la religion juive et de la religion chrétienne […] Quel est cet esprit, ce mystère, cette idée ? C’est l’idée qu’à cause de la solidarité des hommes et de leur communion intime et substantielle, l’acceptation d’une mort sanglante par l’être pur purifie l’être impur, l’idée (qui en résulte par voie de conséquence) qu’il n’est pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Et nous retrouvons ce qui est admis tacitement par la conscience universelle : la prééminence du don de soi fait par amour.»

Marthe Robin a reçu de nombreux théologiens réputés, le Père Garrigou Lagrange, o.p, envoyé par Pie XII, Auguste Valensin et le cardinal Jean Daniélou jésuites. Sur la demande de Rome, elle a été examinée par des professeurs de médecine à Lyon. De nombreux livres ont été publiés à son sujet (Raymond Perret, Marcel Clément etc…). Son rayonnement s’est répandu sur la terre grâce aux « Foyers de Charité » fondés avec le père Finet en 1936. Pendant cinquante ans plus de 100. 000 personnes se sont succédées dans sa chambre obscure pour recevoir un conseil, une orientation pour leur vie. Son procès de béatification est en cours depuis 1991. Son cas continue pourtant d’alimenter le scepticisme. Joachim Bouflet, l’historien du surnaturel, auteur d’un ouvrage sur les phénomènes mystiques qui fait autorité, croit déceler chez elle une forte charge pathologique. Affectée d’une pathologie effroyable (grabataire, aveugle, les jambes repliées, ramenées sous le torse), elle aurait selon lui «surnaturalisé» sa maladie…

Pour plus de détails, voir mon essai

14/01/2006
Sombreval






1.Posté par Francois de Saint Jean le 27/05/2007 05:55
Merci de bien vouloir transmettre a Mr. Joachim Bouflet le site internet que je viens de decouvrir:
www.arnaud-guilhem.org
1859-1878
a caractere de preeminence
urgence de construction d'un sanctuaire
Merci
En union de prieres,
Francois de saint Jean
francoisdesaintjean@yahoo.com

2.Posté par ami de Marthe le 06/06/2008 21:27
Je pense que monsieur Bouflet a fait un transfert et qu'en disant déceler chez Marthe Robin une force charge pathologique , monsieur Bouflet parle de lui. En fin, c'est l'impression que cela donne étant donné la voix joyeuse et heureuse de Marthe Robin. Par ailleurs, Marthe Robin est toujours à l'oeuvre et donc cela démontre que de son vivant sur terre son cheminement fut permis par Dieu.

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