Tous à Austerlitz



Tous à Austerlitz
Le grand jour approche. Les saintpiedistes vont se ruer au «deuxième rassemblement des œuvres catholiques», ou plutôt des «œuvres» et autres associations proches de la Fraternité Saint Pie X. Le programme est pour le moins alléchant. La messe pontificale d’abord, célébrée à Saint-Nicolas par Mgr Tissier de Mallerais, particulièrement à l’honneur ce jour. En effet, sa biographie consacrée à Mgr Lefebvre sort ce jour, en «avant-première» comme l’annonce le prospectus, ce qui va assurer à ce rassemblement un retentissement considérable. Plus tard le tradi pourra dire à son gamin : « J’y étais, et même que Mgr Tissier a dédicacé mon exemplaire. Quelle émotion ! Ton plaisir à toi c’est les malabars, eh bien moi c’est de lire les publications estampillées FSSPX. Je leur suis redevable de mon sens comique, de la hardiesse de mes vues et de cet esprit de liberté qui est ma marque. La tradition mon fils, c’est l’enfance retrouvée..»
L’ouverture des stands est prévue à 10 heures, l’occasion d’aller visiter quelques stands, celui par exemple qu’occupe une association qui cultive les antithèses savoureuses comme il sied à tout mouvement tradi digne de ce nom : L’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne. Il est une autre antithèse qui ne jouit pas des mêmes faveurs : la séduction et la tradition. L’Alliance pour la Galanterie et la vénération de la Tradition a peu de chances de voir le jour. A supposer qu’elle se constituât, il resterait à pénétrer dans ce Sanctuaire de la Tradition où l’on vous dépouille misérablement de la Carte du Tendre. Dommage. Il eût été plaisant de voir affluer vers ce stand les tradinettes avides de mots doux.
Passons aux choses sérieuses : ce fameux Symposium international de théologie dont des prêtres de la Fraternité vont rendre les conclusions tant attendues. Leur temps de parole sera de 15 minutes. Un quart d’heure, cela devrait suffire au R.P Innocent Marie pour convaincre les saintpiedistes de l’ « Universalité de la Tradition » (14h15-14h30). Se succèderont ensuite l’abbé Lorans, désireux de retracer l’histoire du concile ou plutôt d’un « brigandage » pour reprendre l’expression usitée dans le milieu, puis l’abbé Guillaume de Tanoüarn qui nous livrera d’éclairantes précisions doctrinales sur la « nouvelle religion de Vatican II » ( 15h45-16h ). Les modernistes et les traditionalistes, enfin réunis, partagent une même conviction : le concile Vatican II a révolutionné l’Eglise. Eternelle rengaine. Du côté moderniste on se pourlèche à l’idée de fêter les quarante ans du Concile. Une méga rave est prévue, organisée par l’Association des amis de Mgr Gaillot. On aura jamais vu un tel rassemblement depuis les JMJ de Rome. Du côté saintpiédiste, dans un registre plus intellectuel, on va rappeler avec force conviction que la religion naturelle et gnostique enfantée par Vatican II induit une exaltation pernicieuse de la liberté contre laquelle le tradi doit s’élever. Car le tradi, comme ne manquera pas de le rappeler l’abbé de Tanouärn, se livre à l’Amour qui, loin de l’enchaîner, le libère. On ne peut évidement discuter les décrets de l’Amour; la religion n’est pas un supermarché où chacun est libre d’adopter la croyance qui lui plaît. Le tradi est au service de Dieu, de l’Amour, alors que le sectateur de Vatican II, le conciliaire, idolâtrant la liberté, n’en finit pas de se fourvoyer.
Regonflé par ces vieux schémas, je m’en irai ensuite déambuler dans les allées de l’Espace Austerlitz et comme tout un chacun je m’offrirai l’ouvrage de Monseigneur Tissier de Mallerais. Cela devrait clore en beauté ma journée.
Dans la présentation figurant sur le quatrième de couverture de cette biographie, je décèle déjà une de ces contradictions inhérentes à la Tradition. En effet, les traditionalistes qui font profession de résister à la Société moderne et à l’Eglise conciliaire, auxquelles ils attribuent les mêmes maux ( démocratisme, culte de l’homme…), ne sont pas totalement indemnes de ces aspirations où se décèle l’esprit du monde. En effet, le traditionalisme, tel qu’il est incarné par la Fraternité saint Pie X, aspire au succès, à l’éclat. La tendance profonde de la Fraternité n’est pas de résister mais de triompher. Il n’est que de lire certains passages de cette présentation. Tous les titres de Monseigneur Lefebvre sont cités, depuis la légion d’honneur jusqu’à sa fréquentation « des plus grands ». On apprend qu’ « en 1962, il est élu Supérieur générale de la Congrégation du Saint-Esprit, qui compte plus de 5000 membres », que la fraternité « lui vaut progressivement une célébrité mondiale… » que « la messe interdite qu’il célèbre en août 1976 devant 10.000 fidèles obtient, par les 400 journalistes présents, un retentissement mondial. Douze ans plus tard, en 1988, il retrouve une nouvelle célébrité en ordonnant, en dépit de l’interdiction du pape Jean-Paul II, quatre évêques devant les caméra de toutes les télévisions du monde… ».
La starisation des prêtres qui sévit dans les milieux de la tradition est un phénomène troublant qui mérite réflexion. Les traditionalistes eux aussi ont leur vedette, leur idole. A quand les oscars de la Tradition ?


02/10/2002
Sombreval




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